ONU: le prince héritier saoudien « impliqué » dans l’affaire du meurtre de « Khashoggi »

Selon une responsable de l’ONU, le prince héritier saoudien Mohammed bin Salman (MBS) serait « impliqué » dans l’affaire du meurtre du journaliste saoudien Jamal Khashoggi à Istanbul en 2018.

Dans une interview accordée à l’Agence Anadolu, la Rapporteure spéciale des Nations unies sur les exécutions extrajudiciaires, sommaires ou arbitraires, Agnès Callamard, a déclaré que même si elle n’a pas de preuves contre lui, le prince héritier Mohammed bin Salman est le principal suspect dans cette affaire, car il a ordonné et incité au meurtre.

« Ecoutez, je pense qu’il est un principal suspect pour ce qui est de déterminer qui a ordonné ou incité au meurtre. Il fait partie des suspects. Personnellement, je n’ai pas les preuves qu’il a ordonné le crime », a déclaré Callamard, qui est également une avocate spécialisée dans les droits de l’homme.

Elle a ajouté que les preuves circonstancielles suggèrent qu’un crime de cette nature n’aurait pas pu avoir lieu sans l’aval de MBS.

« Je pense que d’après les informations apportées il y a plus d’un an, la CIA [Central Intelligence Agency] pourrait avoir ces renseignements », a-t-elle déclaré.

L’avocate a fait remarquer que le procès en Turquie se tient « in absentia » (par contumace) car tout le monde sait que l’Arabie Saoudite ne permettra pas que les accusés soient jugés en Turquie.

« Je pense néanmoins que c’est important. Je tiens à souligner que les accusés sont représentés et que des avocats commis d’office leur ont été assignés », a-t-elle déclaré.

Mme Callamard a décrit le procès en Turquie comme étant plus impartial que celui mené en Arabie Saoudite.

Le 3 juillet, un tribunal turc a ouvert le procès désignant 20 ressortissants saoudiens comme principaux accusés dans l’assassinat de Khashoggi en 2018.

Le journaliste a été tué et démembré par un groupe d’agents saoudiens peu après son entrée au consulat saoudien. Son corps n’a jamais été retrouvé.

-Parodie de justice en Arabie Saoudite

Le Tribunal pénal n°11 d’Istanbul a entendu les arguments de la fiancée de Khashoggi et d’autres témoins.

Hatice Cengiz a déclaré que le chroniqueur du Washington Post avait été induit en erreur afin qu’il entre au consulat.

« Je pense que c’est important parce que nous ne pouvons pas être tenus en otage par le processus [judiciaire] saoudien, qui a présenté quelques évolutions mais qui était à mon avis une parodie de justice », a déclaré Callamard aux journalistes présents au siège de l’ONU à Genève.

La Rapporteure spéciale des Nations unies a souligné que contrairement à l’Arabie Saoudite, le procès en Turquie était public et que les médias avaient librement accès à la salle d’audience.

« Des gens comme moi ont la possibilité de le suivre et les ONG internationales le font également. Le procès-verbal de la mise en accusation a été rendu public. Alors, donnons-lui une chance. Et voyons ce que nous pouvons apprendre de ce processus », a-t-elle déclaré.

Agnès Callamard a indiqué que dans un rapport présenté au Conseil des droits de l’homme des Nations unies, elle a souligné que la Turquie avait enquêté sérieusement sur le meurtre de Jamal Khashoggi.

« Je me réjouis du fait qu’ils ouvrent un procès, car cela signifie que la communauté internationale pourra évaluer le travail qu’ils ont accompli. Je pense que c’est très important pour la crédibilité et la légitimité de leur procédure », a déclaré la responsable de l’ONU.

Callamard estime qu’il serait naïf de penser que MBS puisse comparaître devant les juges, mais ajoute : « Nous devons rappeler aux gouvernements qu’il s’agit de quelqu’un qui a du sang sur les mains ou qui est probablement le commanditaire du meurtre de Jamal Khashoggi ».

La Rapporteure de l’ONU a souligné qu’il faut garder à l’esprit que les procès dans de telles affaires sont un long processus et, en attendant, il faut s’assurer que le meurtre de Khashoggi ait un véritable coût et un impact politique.

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