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vendredi, mars 29, 2024

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Égypte : Mohamed Ali dévoile ses secrets à Middle East Eye

Le lanceur d’alerte dont les vidéos contenant des révélations à propos des palais du président Abdel Fattah al-Sissi ont suscité de grandes manifestations et une nouvelle répression en Égypte affirme à Middle East Eye dans un entretien exclusif qu’il n’arrêtera pas tant que Sissi ne sera pas renversé.

« Mon objectif est de le renverser », déclare Mohamed Ali.

S’exprimant dans un lieu tenu secret quelque part en Espagne, où sa famille et lui ont emménagé, Ali assure agir de manière absolument indépendante, sans personne ou organisation derrière lui.

Cet acteur et homme d’affaires nie toute affiliation avec un quelconque groupe d’opposition ou faction dissidente au sein de l’armée égyptienne.

Dans le cas contraire, fait valoir Ali, il aurait peut-être pu renverser le président égyptien.

Alors que les Égyptiens souffrent d’une économie chancelante et de mesures d’austérité mises en place par le gouvernement, les propos de Mohamed Ali concernant les somptueux palais construits pour Sissi avec des fonds publics ont déclenché l’ire de la population.

Ali, dont la société de construction a été employée pendant des années par le gouvernement et l’armée égyptienne, a provoqué scandale et indignation en Égypte depuis qu’il a commencé début septembre à publier des vidéos accusant Sissi et d’autres haut-dirigeants de corruption.

« S’il y avait un groupe derrière moi, il m’aurait aidé et je ne serais pas là à ne rien faire, humilié, tout seul », a-t-il déclaré.

Pendant deux vendredis consécutifs, les 20 et 27 septembre, des manifestations ont éclaté à travers l’Égypte – la plus importante contestation vis-à-vis du régime de Sissi depuis des années.

Les autorités les ont accueillies avec une nouvelle répression de la dissidence, arrêtant au moins 3 000 personnes dont des activistes, journalistes et avocats célèbres.

Dans ses vidéos, Mohamed Ali encourage les Égyptiens à manifester. Il fait néanmoins remarquer à MEE qu’aucun groupe n’a émergé pour prendre la tête des manifestations et véritablement défier le gouvernement de Sissi.

Cela contraste, selon lui, avec la période tumultueuse entre la révolution égyptienne de 2011 et le coup d’État militaire de 2013 qui a placé Sissi au pouvoir tandis que l’armée et les Frères musulmans se disputaient le contrôle.

« Y-a-t-il un quelconque autre groupe qui a émergé en Égypte ? Qui souhaite prendre en main le pays ? La réponse est non », déclare-t-il.

« Donc à quel groupe pourrais-je appartenir ? J’estime que ce qu’il reste des groupes est très faible. »

Attiré à l’ambassade

L’entretien de Mohamed Ali avec Middle East Eye est le premier qu’il accorde à un média, local ou étranger, depuis qu’il est devenu le plus célèbre détracteur de Sissi.

Depuis l’apparition de sa première vidéo, le gouvernement égyptien a essayé de l’attirer à l’ambassade à Madrid, rapporte-t-il.

« Ils m’ont dit : ‘’les responsables sont contrariés de ce qui vous est arrivé, et vous êtes un homme respectable et vous êtes notre fils. Vous nous êtes cher et tout, alors venez l’ambassade et discutons’’ », se rappelle Ali. « J’ai refusé. »

Lorsqu’on lui a demandé s’il pensait qu’il aurait pu connaître le sort du journaliste Jamal Khashoggi, assassiné au sein du consulat saoudien à Istanbul l’année dernière, Ali a exprimé des réserves.

« Je ne pense pas que ça me serait arrivé », estime-t-il. « Dieu sait, bien sûr, que je ne fais que donner mes analyses. »

Mohamed Ali dit s’être décidé à quitter l’Égypte et à assumer son rôle de lanceur d’alerte après les défauts de paiement répétés du gouvernement égyptien pour le travail que sa société a accompli.

Cet argent, confie-t-il à MEE, sert désormais d’appât pour l’attirer au pays.

« Ils m’ont dit qu’ils me donneraient mon argent et plus encore », raconte-t-il. « Calmez-vous, ne faites plus de vidéos et ne parlez pas. »

Les tentatives de le museler ne se sont pas limitées à la corruption, indique Ali, qui révèle avoir vécu sous la menace constante d’assassinat.

« J’ai reçu un nombre incroyable de menaces… Ils me disent “nous savons où vous êtes. Nous vous trouverons un jour” », rapporte-t-il.

 « Je ne suis pas Spiderman. N’importe qui peut engager une équipe pour me tuer. Je savais que je me mettais en danger dès la première vidéo que j’ai posté. »

S’il nie avoir un important soutien au sein des services de sécurité égyptiens, il indique à MEE que les officiers subalternes de l’armée sympathisent à sa cause.

« Les officiers subalternes qui n’ont aucun pouvoir de décision, qui ne peuvent pas résoudre la situation, sont solidaires », assure-t-il.

Confronté à des difficultés financières causées par le fait que les autorités retenaient les fonds lui étant dus, Ali a discuté de ses problèmes avec ces officiers, qui, selon lui, ont exprimé leur consternation devant la gestion du pays par Sissi.

« Mais un officier ne peut pas s’exprimer publiquement parce qu’il serait envoyé devant un tribunal militaire. Est-ce que d’importants généraux de l’armée m’ont parlé ? Non, ce n’est pas arrivé, bien sûr », déclare-t-il.

« Au début, quand j’étais en Égypte, ils me disaient “nous espérons qu’il [Sissi] disparaisse, mais que pouvons-nous faire ?” Et quand je suis arrivé ici, les officiers [subalternes] se plaignaient et l’insultaient. »

Ali raconte que ses sympathisants dans l’armée lui ont envoyé un message après la publication de ses premières vidéos critiquant Sissi. « Puis, quand il a commencé à arrêter des gens, ils ont tous disparu. »

L’armée électronique de Sissi

Parmi les projets immobiliers sur lesquels Ali a travaillé figurait un bâtiment à plusieurs étages utilisé par les services de renseignements généraux égyptiens pour abriter ce que l’entrepreneur a appelé « l’armée électronique de Sissi ».

Le travail de cette armée, indique-t-il, consiste à surveiller les réseaux sociaux.

« Une partie de leur travail consiste à aimer les vidéos de Sissi et à les commenter », révèle-t-il. D’après lui, ce projet de surveillance d’internet en Égypte a été financé par les Émirats arabes unis.

« L’argent que j’ai obtenu vient de l’aide émiratie », ajoute-t-il.

« Parfois, ça me fait rire parce que je leur ai construit ça et maintenant ils s’en servent contre moi. Chaque fois que je poste quelque chose, ils le commentent immédiatement. »

« Je travaille pour subvenir aux besoins de ma famille depuis l’âge de quinze ans »

Mohamed Ali estime que des centaines d’employés travaillent dans l’immeuble, « quelques officiers, mais principalement des civils ».

Toutefois, il refuse de s’excuser pour son implication passée et affirme qu’il ignorait que l’armée était en proie à la corruption pendant les premières années où il a travaillé pour elle.

Tout le monde ne considère pas Ali comme un héros. De nombreux critiques à la fois de Sissi et du lanceur d’alerte notent qu’il a travaillé comme entrepreneur pour l’armée et le gouvernement pendant quinze ans.

L’armée, rappelle-t-il, jouit d’une excellente réputation auprès de l’opinion publique égyptienne et est considérée comme un modèle de dignité et de bonnes manières.

« Quand j’ai commencé à travailler, j’ai progressivement découvert la corruption. Je ne l’ai pas découverte dès le début, cela a pris des années. Mais les dessous de table sont la norme en Égypte », affirme-t-il.

« J’ai observé les choses progressivement jusqu’à atteindre le sommet de la pyramide [de la corruption] lorsque j’ai commencé à construire des palais pour Sissi. À partir de ce moment-là, j’ai commencé à appréhender la corruption dans son ensemble et la façon dont le chef de l’État prend ses décisions. »

Ali souligne qu’il n’est pas issu d’une famille politique et affirme qu’il n’a pas reçu une éducation adéquate.

« Je travaille pour subvenir aux besoins de ma famille depuis l’âge de 15 ans. »

Le dissident le plus célèbre d’Égypte adresse ce message direct au président américain Donald Trump, qui a appelé Sissi son « dictateur préféré » : « Vous êtes donc prêt à rencontrer un meurtrier, un dictateur, vous vous fichez de savoir qui il est. Vous vous souciez seulement de l’argent.

« Peut-être que nous devrions économiser de l’argent », suggère Ali. « Ensuite, nous pourrions lui demander de renverser Sissi pour nous. »

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