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jeudi, avril 18, 2024

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Mort de George Floyd : Trump peut-il sortir vainqueur des émeutes aux Etats-Unis ?

« Je suis absolument scandalisée. A aucun moment il n’a prié, ni reconnu l’incroyable agonie traversée par notre pays en ce moment même, particulièrement pour les gens de couleur. Le diocèse de Washington se désolidarise entièrement de ses paroles incendiaires ».

Donald Trump a beau avoir franchi le mur de l’indécence depuis un long moment, il a réussi une première lundi : se mettre à dos l’évêque du diocèse épiscopal de la capitale fédérale, responsable de l’Église de Saint John, située de l’autre côté de Lafayette Square, à quelques encablures de la Maison-Blanche.

En guerre contre les « terroristes intérieurs »

Mariann Edgar Budde n’a pas digéré que le 45e président américain, sans doute celui qui a le moins fait semblant d’aimer les messes durant son mandat, fasse les gros yeux à l’Amérique une bible à la main après avoir fait place nette au gaz lacrymo. Plus habitué au format Playboy, dont il était un grand fan, Trump semble d’ailleurs ne pas savoir trop savoir comment s’y prendre avec le petit livre. Mais l’hésitation est vite balayée par les intonations guerrières à venir.

Pour sa première prise de parole officielle depuis le début des manifestations qui ont suivi la mort de Georges Floyd, le président de la première puissance mondiale a décidé de partir en croisade. L’hommage à la victime ? Expédié en trois phrases, pour mieux se concentrer sur les émeutiers, « ces terroristes intérieurs », à qui il promet la potence ou presque. Les gouverneurs, enguirlandés un peu plus tôt par téléphone [« Si vous ne les dominez pas, vous passerez pour une bande de connards »], en prennent aussi pour leur grade. « Je suis prêt à déployer l’armée américaine si une ville ou un Etat refusent de prendre les dispositions nécessaires pour protéger leurs concitoyens ».

Dans les pas de Nixon

Sept minutes dans le plus pur style nixonien, le théoricien républicain de la doctrine « de la loi et l’ordre » contre « la chienlit » des émeutes raciales de 1967 et 1968, le verbe trumpien en plus. « Nixon, qui n’a pas toujours respecté les règles, est un enfant de chœur à côté de Trump, précise Romain Huret, historien des Etats-Unis et directeur d’études à l’EHESS. A l’époque, Il n’y avait pas une polarisation si extrême dans la société américaine. Là, même si la menace de brandir l’Insurecction Act [qui autorise l’armée à intervenir sur le territoire national] est virtuelle, puisque les gouverneurs n’en veulent pas, et que la situation semble se calmer un peu, on a l’impression que Trump repousse toutes les normes de l’acceptable dans une démocratie ».

Le milliardaire républicain est-il en train de ficher en l’air toutes ses chances d’être réélu en novembre après avoir déjà donné une piètre image dans la gestion du Covid-19 ? Cela ressemble à une conjecture raisonnable, mais la comparaison avec Nixon, on y revient, oblige à quelques nuances. Alors que l’Amérique était secouée par des contestations de toutes parts, notamment celle de la population afro-américaine, c’est en jouant les gros durs que le serial loser des sixties avait déboulonné les démocrates du pouvoir. On tente le parallèle avec Jean-Eric Branaa, maître de conférences à Paris II Assas et auteur de Et s’il gagnait encore ? (Ed. VA Press).

Soit 45 % d’Américains qui le suivront jusqu’à l’extrême limite, voire au-delà, même si leur champion devait se mettre à « tirer sur la foule au milieu de la cinquième avenue », en avait d’ailleurs plaisanté l’intéressé pendant la campagne de 2016, abasourdi lui-même de bénéficier d’une telle indulgence malgré les dérapages en escadrille. Quatre ans plus tard, Trump a choisi de flatter les plus bas instincts de ses compatriotes effrayés par les pillages chez Macys sur la même cinquième avenue, la plus riche du pays. Du sort de la communauté noire, il n’en parle guère depuis son arrivée au pouvoir, puisque cela ne lui rapporterait de toute façon pas grand-chose dans les urnes. Lors de la dernière élection, 92 % des Afro-Américains avaient choisi Hillary Clinton.

Pourtant, la pandémie de coronavirus, aux effets toujours ravageurs outre-Atlantique, a une fois de plus souligné la fracture raciale béante aux Etats-Unis. « La communauté afro-américaine paye un lourd tribut à la maladie parce qu’elle présente des facteurs de comorbidité plus importants que le reste de la population, notamment l’obésité, avance Romain Huret. Et ce sont les mêmes qui subissent les conséquences économiques, avec l’explosion du chômage et la disparition de tout le secteur de l’économie informelle ». Les statistiques montrent qu’on a 2,5 fois plus de chances de mourir du Covid-19 quand on est issu de la minorité afro-américaine, alors qu’un article du New York Times révèle que désormais, moins d’un homme noir adulte sur deux dispose d’un travail et de la couverture médicale qui va avec.

« Entre 1968 et 2020, on est quelque part dans une continuité, car le problème racial des Etats-Unis est à l’origine même de cette Nation, complète Jean-Eric Branaa, Dans les années 1960, c’était la grande bataille pour les droits civiques, qui a été remportée. Mais l’autre combat, celui de l’égalité, de la légitimité, est loin d’être gagné. La crise sanitaire l’a montré. Et en plus de ça vient la mort de Floyd, où encore une fois, les Noirs américains savent qu’il ne se passera rien et que les policiers s’en sortiront, comme tant d’autres avant eux. La colère est remontée à son plus haut niveau, et elle n’est pas près de s’éteindre ».

Critiqué pour son confinement bien discret et la tiédeur de sa campagne so far, Joe Biden, le candidat démocrate à la Maison-Blanche, en a profité pour sortir du bois avec des mots forts. En fin de semaine dernière, l’ancien vice-président avait déjà évoqué « le péché originel de ce pays », l’esclavage, « qui entache toujours notre Nation aujourd’hui, une plaie ouverte dont aucun de nous ne peut se détourner ». Mardi, pour sa première apparition publique post-virus à Philadelphie, celui que Trump aime à surnommer « Sleepy Joe », Joe l’endormi, s’est révélé à lui-même selon une partie de la presse américaine dans un discours enfiévré.

Biden brise la glace

Une promesse que d’autres ont faite avant lui, sans jamais y parvenir. Mais une promesse qui engage Biden pour de bon. « Maintenant, il est obligé d’agir, de donner à l’Amérique un projet de société postracial pour l’avenir, professe l’historien de Paris II. S’il ne le fait pas, la jeunesse américaine qui a voté Bernie Sanders aux primaires et qui manifeste aujourd’hui ne se rendra pas aux urnes, et il perdra ». « Mobiliser toutes les catégories d’électeurs supposées le soutenir sera le grand enjeu de novembre, confirme son collègue de l’EHESS. Ce n’est pas si facile pour Biden, car Trump n’attend qu’un faux pas pour le pousser du côté des gens qui cassent des vitrines à Manhattan. Je me garderais bien de faire un pronostic sur l’élection, mais beaucoup d’Américains se rendent compte que c’est en train de déraper et qu’un point de non-retour a été atteint sous la présidence actuelle dans une démocratie comme les Etats-Unis. La gestion erratique de la pandémie, l’absence de considération pour la vie humaine de cette administration, il y a un sentiment qui monte pour dire qu’on est allé trop loin ».

Cela n’effraie pas Donald Trump, retourné à son usage maladif de Twitter pour expliquer sans trembler du menton mardi soir « qu’aucun président américain n’avait fait autant pour la communauté afro-américaine depuis Abraham Lincoln ». Le maverick de Washington, qui aime décidément se vanter d’être le premier en tout, pourrait prochainement faire tomber un record qu’on pensait intouchable. Le sommet tant redouté des 24,5 % de chômeurs comptabilisé après la crise de 1929. « Comment voulez-vous aller à une élection avec un chiffre pareil, après avoir expliqué que vous aviez la meilleure économie du monde trois mois plus tôt ? », s’interroge Jean-Eric Branaa. On lui fait confiance pour trouver quand même.

SourceAgences

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