Afghanistan: Trump met fin aux négociations de paix avec les talibans

Trois jours après un attentat qui a fait au moins 10 morts à Kaboul, le président américain les juge « incapables de négocier en vue d’un accord définitif ».

Depuis trois semaines, les rumeurs d’un accord entre les talibans et les États-Unis tournaient à plein régime. Entretenues par les deux camps, ces informations affirmaient toutes la même chose : les négociations sont presque terminées, il ne reste que quelques détails à régler. Samedi soir, Donald Trump a balayé toute perspective de paix immédiate sur Twitter : « Si les talibans ne sont pas capables d’accepter un cessez-le-feu alors que des négociations très importantes sont en cours […], alors, ils n’ont pas le pouvoir de négocier un accord définitif. » À l’en croire, une réunion devait se tenir à Camp David avec des émissaires talibans et le président afghan ce dimanche. « J’ai décommandé cette réunion et annulé le processus de paix », a tonné Donald Trump.

Si le président américain a interrompu un processus lancé à Doha en 2018, c’est parce que les conditions pour un plan de paix n’étaient pas réunies. Retour en arrière. En janvier, Américains et talibans se mettent d’accord sur une feuille de route : les États-Unis consentent un retrait progressif de leurs 14 000 soldats comme l’exigent les insurgés. En échange, ces derniers s’engagent à empêcher des groupes djihadistes comme Al-Qaïda d’utiliser le territoire afghan pour planifier des attentats à travers le monde.

Propagande talibane

Problème : les talibans restent vagues sur les garanties qu’ils sont en mesure de fournir. En effet, depuis sa création en 1994, le mouvement poursuit deux objectifs : imposer leur Émirat islamique en Afghanistan et aider les djihadistes étrangers qui souhaitent faire de même dans leur pays d’origine. Les négociateurs talibans qui discutent avec les équipes du diplomate américain Zalmay Khalilzad à Doha refusent donc de dialoguer avec le gouvernement de Kaboul, qu’ils considèrent comme anti-islamique. Ils rejettent un cessez-le-feu avec les forces afghanes. Et ils refusent que les États-Unis maintiennent quelques milliers d’hommes sur le terrain pour la lutte antiterroriste.

La propagande talibane ne change pas de ton depuis le début des pourparlers. Son site Internet, La Voix du djihad, continue de traiter le gouvernement du président Ashraf Ghani et les soldats du régime de « marionnettes ». Manba’ al-Jihad (la fontaine du djihad), la branche média du réseau insurgé de Sirajuddin Haqqani, allié des talibans, diffuse sans relâche des films montrant ses combattants en train de s’entraîner, puis d’attaquer des convois et des bases militaires. Ces vidéos exhibent les cadavres de soldats tués au combat, dépouillés de leurs chaussures et de leur équipement. Le mouvement de Sirajuddin Haqqani est réputé pour ses liens avec Al-Qaïda et des groupes islamiques armés originaires d’Asie centrale et du Pakistan depuis les années 1980.

Dialogue dans l’impasse

Nombre d’observateurs américains et afghans en déduisent que les combattants islamistes n’ont pas l’intention de partager le pouvoir et veulent le départ des troupes étrangères pour mieux renverser la démocratie afghane, laissant un vide sécuritaire dont Al-Qaïda et Daech pourraient profiter. « Ce qui m’inquiète, c’est que le président, dans son désir d’évacuer les troupes, risque de faire la même erreur que le président Obama en Irak. Si nous partons et que nous sous-traitons notre sécurité nationale aux talibans en pensant qu’ils s’occuperont d’Al-Qaïda et de Daech, ce sera un désastre », déclare le sénateur républicain Lindsey Graham le 25 août à la chaîne CBS. Puis le 4 septembre, Time révèle que le secrétaire d’État Mike Pompeo refuse de signer l’ébauche d’accord conclu fin août qui prévoit le départ de 5 400 soldats américains en 135 jours.

Le tweet de Donald Trump a donc officialisé une situation qui couvait depuis des semaines : le dialogue est dans l’impasse. L’administration américaine visait un accord d’ici au 1er septembre dans l’espoir d’achever la guerre avant la présidentielle de 2020. Elle en est loin.

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