Après le cessez-le-feu au Karabakh, des Arméniens envahissent le gouvernement et le Parlement

Honte, colère et désillusion. Une foule de manifestants arméniens a envahi ce mardi 10 novembre le siège du gouvernement à Erevan, dénonçant un accord de fin des hostilités dans la région du Nagorny Karabakh qui semble consacrer une victoire militaire de l’Azerbaïdjan.

Une foule de milliers de manifestants en colère s’est rassemblée dès l’annonce de l’accord dans la nuit de lundi à mardi, et des centaines d’entre eux ont pénétré dans les locaux, brisant des vitres et saccageant des bureaux, selon un journaliste de l’AFP présent. La police a repris le contrôle de la situation au petit matin.

“Décision incroyablement douloureuse”

Il est près de deux heures du matin dans la capitale arménienne quand le Premier ministre annonce dans un post sur sa page facebook avoir pris une “décision incroyablement douloureuse pour moi et pour notre peuple”.

Les troupes arméniennes ont donc perdu la guerre en cours depuis presque deux mois dans l’enclave indépendantiste. La nouvelle se répand comme une traînée de poudre à Erevan.

Des véhicules en trombe sillonnent tout d’un coup les grandes avenues de la ville. Dans un concert de klaxons, les voitures convergent en direction du siège du gouvernement, sur l’immense place de la République entourée de ses imposants bâtiments de grès rose.

“Morts pour rien!”

Des groupes d’hommes en colère font leur apparition dans les rues, marchant d’un pas vif en vociférant, ils envahissent la chaussée. “Nos soldats sont donc morts pour rien!”. Cris, insultes, invectives… le Premier ministre est la principale cible de toute cette hargne: “Pachinian démission!”, scandent des centaines d’émeutiers, rassemblés devant le siège du gouvernement, dont ils forcent peu après l’entrée.

Des vitres sont brisées, un rideau arraché, un bureau dont le seul tort est d’être situé à proximité de l’entrée est saccagé, dossiers et plantes vertes sont jetés à terre. Les quelques policiers présents -de toute façon trop peu nombreux- ne sont pas intervenus.

“Au Parlement!”

“Tous au Parlement!”, lance un quidam. Un groupe d’une dizaine d’hommes à l’air patibulaire, mains dans les poches de leurs doudounes noires ou capuches sur la tête, part aussitôt d’un pas décidé vers l’Assemblée nationale, à plus d’un kilomètre de là, elle aussi occupé par les manifestants en colère.

Sur place, l’atmosphère est plus tendue. Là aussi des groupes s’apostrophent, parfois violemment jusqu’à en venir aux mains. Sur les marches de l’immense palais, dans les vastes halls et surtout dans les travées mêmes de l’assemblée, on se déchire, on pleure la défaite.

“Faites venir Pachinian, qu’il nous explique pourquoi sont morts nos enfants!”, “il faut déchirer l’accord de cessez-le-feu”, “nos généraux doivent prendre le pouvoir”, “Poutine viens nous aider!”…

À la tribune ou dans la foule qui se bouscule sur les bancs des députés, chacun tente son idée, sans succès, dans une atmosphère explosive et une foire d’empoigne augurant bien mal de la profonde crise politique qui vient de s’ouvrir en Arménie.

La police arménienne avait repris ce mardi matin à Erevan le contrôle du siège du gouvernement et du Parlement. Ailleurs dans la capitale, la situation semblait relativement normale. Mais des protestataires ont appelé à de nouvelles manifestations dans la journée pour dénoncer l’accord de cessation des hostilités.

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