L’Algérie commémore sa première « Journée de la Mémoire »

L’Algérie a célébré samedi sa première « journée de la Mémoire » en hommage aux victimes de la sanglante répression par la France de manifestations indépendantistes le 8 mai 1945 et réclamé de nouveau la « repentance » de Paris pour ses crimes durant la colonisation.

Des milliers de personnes ont participé à une marche commémorative à Sétif, dans l’est du pays, empruntant le parcours qu’avaient suivi il y a 76 ans des manifestants demandant l’indépendance de l’Algérie. Le 8 mai 1945, le défilé dans la ville célébrant la victoire des Alliés sur le nazisme se transforme en manifestation pour « l’Algérie libre et indépendante » et tourne à la tragédie, déclenchant des émeutes et une répression qui fera des milliers de morts.

Dans un message, le président algérien Abdelmadjid Tebboune a réaffirmé que « l’excellence des relations avec la République française ne saurait exister en dehors de l’Histoire et du traitement des dossiers de la Mémoire, qui ne sauraient faire l’objet d’aucune renonciation ».

Samedi, la foule menée par des scouts a défilé jusqu’à la stèle érigée à la mémoire de Bouzid Saâl, abattu à 22 ans lors de la manifestation de 1945 par un policier français parce qu’il refusait de baisser le drapeau algérien.

Une gerbe de fleurs y a été déposée en présence d’Abdelmadjid Chikhi, conseiller du président algérien pour les questions mémorielles, ont rapporté des médias officiels.

L’ambassadeur de France en Algérie, François Gouyette, est également venu présenter, au nom du président Emmanuel Macron, une gerbe en hommage aux victimes.

« Crimes contre l’humanité » 

Cette commémoration a été décidée il y a un an par le président algérien Abdelmadjid Tebboune « en reconnaissance des énormes sacrifices consentis par le peuple algérien lors des massacres du 8 mai 1945 et du déclenchement de la Guerre de libération nationale le 1er novembre 1954 ».

Le président Abdelmadjid Tebboune avait alors qualifié de « crimes contre l’humanité » les tueries perpétrées par les forces de l’ordre françaises dans le Constantinois (Sétif, Guelma et Kherrata) et les exactions de la période coloniale (1830-1962).

Il avait parallèlement annoncé le lancement d’une chaîne de télévision « spécialisée en histoire », ayant vocation à constituer « un support pour le système éducatif dans l’enseignement de cette matière que nous voulons maintenir vivace pour toutes les générations ». La chaîne publique Eddakira (« Mémoire ») a été lancée le 1er novembre 2020.

La « Journée de la Mémoire » a été instituée par une loi adoptée à l’unanimité le 23 juin 2020 par l’Assemblée populaire nationale (APN).

« Réconcilier les mémoires » entre les deux rives 

Les Algériens font état de 45 000 morts dans les émeutes du Constantinois, et les historiens français de quelques milliers à 20 000, parmi lesquels 103 Européens.

Au-delà de la querelle sur le nombre de victimes, l’enseignement de l’histoire de l’indépendance algérienne reste l’apanage de l’État.

Cette journée de commémoration survient alors que le président français, Emmanuel Macron, a engagé ces derniers mois une série d' »actes symboliques », afin de tenter de « réconcilier les mémoires » entre les deux rives de la Méditerranée, à l’approche du 60e anniversaire de l’indépendance de l’Algérie (1962).

La France a déjà reconnu les massacres de Sétif en février 2005, par la voix de son ambassadeur Hubert Colin de Verdière qui avait alors évoqué « une tragédie inexcusable ».

Un rapport remis en janvier par l’historien Benjamin Stora suggère plusieurs gestes dans ce but. Il a toutefois été très fraîchement accueilli à Alger et n’a suscité jusqu’à présent aucun geste de réciprocité côté algérien.

« La politique de reconnaissance engagée par le président Macron va se poursuivre. Plusieurs recommandations fortes du rapport Stora vont être mises en œuvre », indique une source française proche du dossier.

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