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jeudi, mars 28, 2024

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Qui soutient le prétendu « Deal du siècle » et pourquoi?

Le prétendu plan de paix américain, plus connu médiatiquement sous le nom de «L’Accord du siècle», annoncé récemment par le président américain Donald Trump au cours d’une conférence de presse en présence du Premier ministre israélien Benyamin Netanyahu, a soulevé un débat houleux.

«L’Accord du siècle» a été soumis pour conférer une légitimité sur la réalité illégale, créée par la force, ainsi que pour légitimer l’occupation et pousser la situation dans la région vers davantage de chaos.

Le prétendu plan de paix comprend deux parties: un « cadre politique » et « un cadre économique ». En vertu du plan, des ponts et des tunnels relient l’État de Palestine et ses territoires les uns aux autres, ce qui en ferait un pays fragmenté et ingouvernable.

La ville sainte de Jérusalem sera entièrement laissée à Israël et reconnue comme étant une « capitale indivisible » de l’Etat juif, et partant, la superficie des territoires en Cisjordanie sera réduite de 95% à environ 75%.

La résolution 194 de l’Assemblée générale des Nations Unies sera complètement ignorée et près de six millions de réfugiés palestiniens seront dépourvus de leur droit au retour, tandis que les colonies juives en Cisjordanie seront préservées.

L’une des conditions préliminaires du plan proposé pour la reconnaissance du Mouvement Hamas comme interlocuteur à Gaza sera son renoncement à la lutte armée.

Par conséquent, la moindre opportunité pour ce pays d’évoluer de manière indépendante s’estompe définitivement, dès lors qu’à la fin de ce processus, ce pays sera disloqué et entièrement dépendant d’Israël dans le domaine de la politique étrangère et sans armée.

Ce plan, promu par Trump devant l’opinion publique internationale comme étant « l’ultime chance de la Palestine », constitue également une menace pour les Palestiniens et pourrait aboutir à leur révolte.

Il est utile de rappeler que ce plan n’est pas uniquement un projet idéologique raciste, mais aussi une grave et dangereuse proposition que pourrait réaliser l’un des pays les plus hors la loi de la planète, avec le lot des lourdes conséquences que cela peut avoir à la fin.

Afin de comprendre comment évoluera la situation en Palestine dans le sillage de ce plan, nous devons attendre les résultats des élections israéliennes du 2 mars prochain.

Il va sans dire qu’un différend existe concernant le « calendrier d’annexion des territoires palestiniens » entre l’ambassadeur américain à Tel-Aviv, David Friedman, et le gendre de Trump et son conseiller, Jared Kushner, dès lors que dernier déteste particulièrement l’Autorité palestinienne.

De son côté, l’ambassadeur Friedman souhaite aller de l’avant, le plus tôt possible, sur la voie du processus d’annexion, pour garantir la réélection de Netanyahu. Cependant, Kushner préfère reporter l’annexion pour le moment afin d’obtenir davantage de soutien au plan de la part des ays arabes.

En fin de compte, les propositions faites par Kushner à Netanyahu ont abouti à la décision de reporter l’annexion jusqu’après les élections du 2 mars.

La Turquie et l’Iran ont été parmi les pays qui avaient exprimé la plus forte opposition à ce plan, dans la mesure où il pourrait plonger le Moyen-Orient dans un chaos sans précédent.

La Turquie a indiqué que ledit plan vise à détruire la solution à deux États et à confisquer les terres palestiniennes, tout en martelant que Jérusalem était une « ligne rouge » et a adopté une position politique ferme.

Néanmoins, et contrairement à ce qui est véhiculé, ceux qui appuient ce plan ne sont pas peu nombreux dans la mesure où de nombreux pays soutiennent le prétendu plan mais à des degrés divers.

De l’Allemagne aux Émirats arabes unis, en passant par la France et l’Arabie Saoudite, quels sont les motifs derrière le soutien apparent et dissimulé à ce plan? Comment cela a été possible, qu’une décision pareille, aussi scandaleuse et illégale soit-elle, a obtenu autant d’appui?

** Le Monde arabe

De prime abord, nous devons nous rappeler que nous sommes confrontés à une nouvelle forme de géopolitique mondiale et des politique au Moyen-Orient qui ont commencé pendant l’Administration de l’ancien président américain Barack Obama et qui sont devenues encore plus claires durant le mandat de Trump.

Dans cette nouvelle ère, la question de Palestine a été délaissée et son importance a décru, de même que les attentes et les mesures liées à la question ont été revues à la baisse.

Aussi bien pour les puissances mondiales que régionales, la Cause palestinienne est désormais devenue une question secondaire. En raison des conflits en cours dans la région du Moyen-Orient, telles que les guerres en Syrie, en Irak et au Yémen, la question de la Palestine a perdu sa priorité dans la région.

Par ailleurs, les régimes arabes accordent une portion incongrue à la Cause palestinienne dans leurs agendas de politique étrangère, et la situation était similaire pour le Golfe et l’Arabie saoudite de même que pour l’Égypte pendant longtemps.

D’un point de vue institutionnel, la Ligue des Etats arabes et l’Organisation de la Coopération islamique ont annoncé leur opposition au plan en publiant des déclarations.

Malgré cela, plusieurs pays arabes semblent se murer dans un silence tactique au sujet de cette question, et ils pourraient afficher leur soutien franc à ce plan à l’avenir.

Ce qui confirme la véracité de cette hypothèse, c’est que de nombreux diplomates arabes ont été consultés dans le cadre de la préparation du prétendu « Accord du siècle », et la présence des ambassadeurs du Sultanat d’Oman, du Bahreïn et des Émirats Arabes Unis à la Maison Blanche lors de l’annonce du plan.

L’une des principales raisons à l’origine de ce soutien arabe au plan consiste à ce que l’Iran utilise la Cause palestinienne de manière très efficace comme l’un des fondements de sa puissance militaire et idéologique au Moyen-Orient.

Nous constatons que les élites des régimes arabes (à l’instar du lobby émirati à Washington) veulent mettre fin à l’influence de l’Iran qui s’emploie à imposer son hégémonie sur la région, d’autant plus que ces élites considèrent l’Iran comme étant une menace à leurs régimes.

** L’Europe

De plus, le soutien apporté au prétendu plan de paix américain par certains pays européens mérite également d’être observé, à l’instar du soutien des gouvernements du Royaume-Uni, de l’Allemagne et de la France.

Alors qu’il analysait le plan dans son appel lancé aux Palestiniens à l’examiner de manière juste, le Secrétaire d’Etat britannique aux Affaires étrangères, Dominic Raab a déclaré qu’ils devraient « traiter la situation d’un point de vue honnête et juste » en considérant ce plan comme étant une éventuelle première étape pour mener d’autres négociations.

Le soutien apporté par le Royaume-Uni au plan n’est pas surprenant, étant donné que le Premier ministre, fraîchement élu, Boris Johnson, a obtenu l’appui de la droite américaine, en particulier, l’ancien stratège politique en chef de la Maison Blanche, Steve Bannon.

De même, la doctrine de l’Administration Trump, dans laquelle les conservateurs travaillent aux côtés de l’extrême droite, s’aligne également sur l’approche initiée par le Royaume-Uni sur cette question.

Quant à l’Allemagne, l’on peut dire que sa réponse au plan américain a été plus remarquable.

Il est possible d’énumérer quelques raisons pour lesquelles Berlin soutient ce plan, premièrement l’héritage historique. Il ne fait aucun doute que l’histoire nazie de l’Allemagne et les crimes de l’Holocauste font partie des principales dynamiques qui ont façonné ses relations avec Israël depuis la Seconde Guerre mondiale et la fondation de l’Etat d’Israël en 1948.

Notons que le plan américain a été annoncé au lendemain de la Journée internationale de commémoration du souvenir de l’Holocauste qui correspond au 27 janvier de chaque année.

Il est possible de parvenir à un constat selon lequel le gouvernement allemand est extrêmement sensible à ce sujet pour éviter les critiques acerbes adressées à ce plan, compte tenu de la concomitance de la visite effectuée par le président israélien Reuven Rivlin à Berlin à la fin du mois de janvier, qui a assisté à une cérémonie de commémoration de l’Holocauste au Parlement fédéral, et du fait que les médias allemands débattaient de la question du conflit avec l’antisémitisme.

Lorsqu’il s’agit des relations actuelles entre les deux pays, il est pertinent de supposer qu’après la fin du mandat de l’ancien ministre allemand des Affaires étrangères, Sigmar Gabriel, une nouvelle ère de rapprochement avec Israël a commencé.

En effet, immédiatement après l’entrée en fonction de son successeur, Heiko Maas, il a déclaré avoir pris ses fonctions «à cause d’Auschwitz», relevant que la période des déclarations telles que «les Palestiniens vivant sous le joug d’un régime d’apartheid» et la condamnation des colonies juives (par Gabriel, générant une crise diplomatique avec Israël) est révolue.

L’Allemagne, qui peut être définie comme étant le garant transatlantique des relations bilatérales avec Israël et sa politique étrangère, prend des mesures concertées avec son principal allié, en l’occurrence, les États-Unis d’Amérique.

Il existe aussi des raisons politiques d’ordre interne dans la mesure où le gouvernement actuel allemand considère que la sécurité d’Israël est l’une des causes de son existence, alors qu’il a besoin également afin de préserver sa crédibilité interne contre le parti d’extrême droite « Alternative pour l’Allemagne » (AFD).

Avec le recul, le parti de droite est le principal parti d’opposition en Allemagne et dispose de liens étroits avec le parti du Likoud en Israël.

Parallèlement à cela, il est utile de rappeler que le parti de gauche « Die Linke », qui a condamné le plan de paix le qualifiant de « projet d’annexion qui sape le droit international », représente une position largement marginalisée dans les rangs de l’opinion publique allemande.

L’Allemagne s’emploie, donc, à réaliser une politique équilibrée qui prend en considération sa politique adaptée aux discours dominants dans les instances internationales (telles que la suprématie du droit) d’une part, et l’appui aux intérêts et à la sécurité d’Israël, d’autre part.

Quant à la France, l’on peut observer que son approche vis-à-vis du plan de Trump est globalement positive.

Il ressort du communiqué rendu public par le ministère français des Affaires étrangères que « La solution à deux Etats fondée sur le droit est indispensable pour parvenir à la paix dans la région ».

De même, le communiqué en question affirme que « la France continuera à œuvrer avec ses alliés européens, les États-Unis et tous les autres partenaires qui visent à contribuer à cet objectif ».

Parmi ces «partenaires», l’on peut citer, sans aucun doute, l’Egypte, l’Arabie Saoudite et les Emirats Arabes Unis, qui font partie du peloton de tête des pays importateurs d’armes françaises.

La position actuelle des pays de la région, qui oscille entre le soutien et l’abstention de vote, constitue une opportunité pour la France qui aspire à établir et à préserver de bonnes relations avec l’Amérique de Trump ainsi qu’avec Israël.

Ce soutien s’avère être sans coût que ce soit au niveau de la politique étrangère que celui de la politique locale.

En effet, l’affirmation du président français Emmanuel Macron, l’année écoulée, selon laquelle l’antisémitisme n’était point différent de l’antisionisme était une indication de la loi qui a élargi la définition de l’antisémitisme, et qui a été adopté par le Parlement (loi 154-72).

Pour Israël, qui a considéré ce texte comme étant une éclatante victoire politique, le fait que le gouvernement Macron soutienne le plan Trump et que la France soit un membre permanent du Conseil de sécurité des Nations Unies, pourrait constituer une réalisation sérieuse dans le processus de légitimation de l’occupation.

**Les Etats-Unis

L’Administration de Trump a deux principaux objectifs de ce prétendu plan de paix.

Premièrement, si nous prenons en considération le timing de l’ensemble des décisions de Trump concernant Israël, nous sommes en mesure de conclure qu’il tente de dissimuler les scandales politiques internes qui prennent de l’ampleur.

A titre d’exemple, seulement deux jours avant l’annonce du plan en question, l’ancien conseiller à la Sécurité nationale de Trump, John Bolton, a déclaré que le président américain avait menti au sujet de l’affaire ukrainienne.

Malgré cela, réduire ce plan à des motifs similaires (tels que des procès de destitution) serait une erreur, dès lors qu’une élection présidentielle est prévue dans neuf mois.

Trump comptera largement sur le soutien financier de certains noms en particulier, tels que le milliardaire parieur et homme d’affaires juif, Sheldon Adelson (qui était présent à côté de Trump alors que ce dernier annonçait son plan de paix) ainsi que d’autres donateurs évangéliques, dont certains étaient également présents.

De plus, Trump souhaite grandement renforcer la position de Netanyahu, qui fait face à un défi politique beaucoup plus important que le sien lors des élections qui se dérouleront le 2 mars prochain.

Parallèlement à tous ces calculs politiques intérieurs étriqués, nous nous devons de voir que ce plan nourrit la nouvelle « Grande » stratégie des Etats-Unis.

Comme nous le savons, les Etats-Unis veulent réduire le pouvoir de la Chine et de la Russie dans la région du Moyen-Orient, qui s’est considérablement accru durant le mandat de Barack Obama.

En réalité, la haine que vouent l’Arabie Saoudite et les pays du Golfe à Obama, résultante de la signature par son gouvernement de l’Accord nucléaire iranien, les a rapprochés de la Chine et de la Russie.

L’Administration Trump veut stopper le rapprochement de l’Iran et de l’Arabie Saoudite avec la Chine et éradiquer cette orientation.

Pour résumer, nous pouvons suggérer qu’avec l’annonce de son indépendance en matière d’approvisionnement énergétique, la politique américaine dans la région du Moyen-Orient n’est plus comprise dans les frontières de la politique d’Etat, mais plutôt soumise à des intérêts personnels (Kushner) et aux idéologies (Le sionisme chrétien).

Le soutien public ou caché par les différents pays à ce plan scandaleux et honteux et l’abandon de la Cause palestinienne en général démontrent, si besoin est, que le droit international et la politique étrangère ne privilégient pas ce qui est raisonnable. Et partant, la Palestine risque d’être davantage isolée sur la scène de la politique internationale.

De son côté, la Turquie se doit d’évaluer ses options et ses priorités dans cette situation alambiquée. La Palestine pourrait être confrontée à des situations, plus difficiles encore dans un avenir proche. Par conséquent, la Turquie doit être préparée à un processus diplomatique difficile et délicat.

** Cet article a été rédigé par le Pr Tuncay Kardas et la chercheuse Serra Jan.

Kardas est le président de l’Institut du Moyen-Orient de l’Université de Sakarya, spécialisé dans les études de sécurité, la sociologie de la guerre et la sémiotique des médias.

Serra Can est chercheuse à l’Institut du Moyen-Orient de l’Université Sakarya et est spécialiste des relations entre l’Europe et le Moyen-Orient

SourceAgences

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