Espagne: Le parti d’extrême droite voulait faire son entrée au parlement espagnol lors des législatives

Il remplit les salles de meeting depuis six mois, s’inspire de la tactique médiatique de Donald Trump et prône un discours xénophobe. Le parti d’extrême droite Vox pourrait faire son entrée au parlement espagnol lors des législatives de dimanche.

Quatre mille sympathisants au Palais des congrès de Séville, 5 000 autres dans les arènes de Las Rozas – en banlieue madrilène – et autant à la Cité des arts et sciences de Valence, jeudi 25 avril. Partout où il est passé cette semaine, Vox a fait salle comble.

L’avenir de ce parti d’extrême droite n’est donc pas circonscrit à l’Andalousie, où 12 de ses membres ont fait leur entrée au parlement régional en décembre dernier. Ses idées ont gagné toute l’Espagne, y compris dans les fiefs des partis traditionnels que sont le Parti socialiste (PSOE) et le Parti populaire (PP). Crédité dans les sondages d’une trentaine de députés pour les élections législatives du dimanche 28 avril, il apparaît en mesure de former son propre groupe parlementaire. Son chef de file Santiago Abascal, qui entend briguer la fonction de président du gouvernement, appelle « une Espagne réduite au silence à se retourner ».

Anti-indépendantiste

Comment Vox, fondé en 2013 par des dissidents du PP, a-t-il réussi à s’imposer dans le paysage politique de la droite espagnole ? En 2017, Santiago Abascal a profité de la crise catalane de 2017 pour défendre l’unité de l’Espagne. Devant les sympathisants agitant des drapeaux rouge et or tout en scandant « ¡Viva España! », cet ancien député basque appelle à interdire tous les mouvements indépendantistes devenus, selon lui, « des organisations criminelles ».

Le parti nationaliste n’a pas non plus hésité à se constituer partie civile au procès des indépendantistes catalans, qui s’est ouvert en février à Madrid. Mais sa présence lui permet surtout de mettre en avant ses idées dans ce procès ultra médiatisé. Dans la surenchère permanente, ses avocats ont requis 74 ans de prison à l’encontre de l’ancien vice-président catalan Oriol Junqueras, tandis que le parquet demande 25 ans et l’État 12 ans. Un haut responsable du ministère espagnol de la Justice a dit regretter qu’un parti politique profite de l’accusation populaire, une singularité du processus judiciaire espagnol, à « des fins partisanes ».

Pour passer de 3 600 à 36 000 adhérents en l’espace de deux ans, la jeune formation a aussi profité de l’érosion des partis traditionnels et s’est surtout inspirée de la tactique de campagne de Donald Trump. En avril dernier, un stratège du parti a rendu visite à Steve Bannon, artisan de la victoire de l’actuel président américain. Selon El Pais, des dirigeants avaient aussi rencontré, en 2018, des représentants du cabinet Cambridge Analytica, au cœur d’un scandale pour avoir influencé l’élection présidentielle américaine en exploitant les données personnelles de 90 millions d’utilisateurs de Facebook.

Anti-islam et anti-féministe

Prenant soin d’éviter les médias traditionnels, l’équipe de campagne s’active sur Facebook en ciblant les profils des utilisateurs. Depuis le 1er janvier, la page de Vox poste quotidiennement trois publications, où sont, tour à tour, dénoncés les « feminazis », les « journalistes manipulateurs » et le « squatteur de la Moncloa » – le Premier ministre socialiste, Pedro Sanchez, parvenu au pouvoir à Madrid par une motion de censure.

Dans son programme, le parti développe un discours très dur sur l’immigration et l’islam. Comptant parmi ses candidats des généraux à la retraite défenseurs du franquisme, il s’oppose également au mariage homosexuel, à l’euthanasie ou à l’avortement. Santiago Abascal dénonce aussi la loi contre les violences sexistes en affirmant qu’elle « criminalise » les hommes.

Premier parti sur les réseaux sociaux

La recette fonctionne : cinquième dans les sondages, le parti est aujourd’hui le plus populaire sur Instagram avec 267 000 abonnés, loin devant les 146 000 de Podemos (gauche). Il génère aussi le plus de commentaires ou de « j’aime » sur Facebook, selon une étude publiée cette semaine dans El Pais.

Certains observateurs comparent l’ascension actuelle de Vox à celle de Podemos lors des dernières élections législatives. « En 2014, Podemos capitalisait sur le mécontentement des Espagnols car la crise était économique, aujourd’hui Vox est en mesure de capitaliser car la crise est identitaire », décrypte Jorge del Palacio, professeur d’histoire des idées politiques à l’Université Rey Juan Carlos.

Ses détracteurs mais aussi de nombreux observateurs qualifient le parti de xénophobe et fasciste. Mais les élus andalous rejettent en bloc ces accusations. « Ici, 400 000 personnes ont voté pour nous… ça voudrait dire qu’il y a 400 000 fascistes ? », rétorque Maria José Piñero, présidente du parti en Andalousie.

Néanmoins, la presse étrangère s’inquiète déjà de voir le parti xénophobe prendre de l’ampleur. Le score de Vox au parlement espagnol constituera un indicateur important un mois avant les élections européennes du 26 mai. S’il ne se montre pas eurosceptique et peut paraître modéré parmi les autres partis populistes européens, il s’est déjà positionné pour rejoindre la nouvelle alliance lancée par la Ligue de Matteo Salvini et le Rassemblement national de Marine Le Pen.

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