Tunisie: « À travers son discours, Saïed veut maintenir le peuple dans la peur », accuse la centrale syndicale

Le secrétaire général de l’Union générale tunisienne du travail (Ugtt), Noureddine Taboubi, a estimé, vendredi, que « le président Kaïs Saïed s’est engagé dans la mauvaise voie à travers sa rhétorique visant à maintenir le peuple dans la peur et à pousser directement ou indirectement les Tunisiens à s’entretuer ».

Taboubi, s’exprimait lors d’une réunion d’urgence de la commission administrative de l’Ugtt (centrale syndicale), alors qu’aucun commentaire n’a été émis, pour l’heure, par le président Saïed, qui affirme généralement son engagement envers le peuple et son attachement à la Constitution et au respect de la loi.

Le chef de l’Ugtt a déclaré que « Saïed s’est engagé dans la mauvaise voie à travers sa rhétorique visant à intimider le peuple et à le maintenir dans la peur, alors que le pays est en proie à une crise multiforme, au regard de la dégradation de la note souveraine de la Tunisie, de la situation climatique, de la flambée des prix, et des tensions sociales ».

« Après l’échec du processus qu’il a initié et le boycott des législatives de manière civilisée par le peuple, Saïed aurait dû s’adresser aux Tunisiens pour les appeler à l’unité, et à trouver des solutions aux problèmes épineux », a estimé Taboubi.

Et le secrétaire général de l’Ugtt d’ajouter : « Le président de la République s’adresse à son peuple en proférant des menaces depuis les casernes de l’armée ou depuis le siège du ministère de l’Intérieur. Il veut nous faire comprendre que les forces militaires et sécuritaires sont avec lui et soutiennent ses choix, alors que leur rôle est de protéger le pays de toute infiltration ou ingérence étrangère ».

Il a estimé que le président tunisien « appelle indirectement les Tunisiens à s’entretuer ».

« Saïed veut détourner l’attention après l’abstention massive aux élections législatives et l’échec cuisant de sa politique économique », a souligné le chef de la centrale syndicale.

Lors d’une visite inopinée à la caserne de la Garde nationale d’El Aouina dans la capitale Tunis, Saïed a appelé les hauts cadres de la Direction générale de la Garde nationale à « faire face à ceux qui ont conspiré contre l’État », soulignant que « les ennemis de l’État et de la patrie doivent rendre des comptes à la justice ».

« Le peuple veut assainir le pays et réclame la reddition des comptes. Sa principale requête c’est la reddition des comptes, et votre rôle est historique pour répondre aux demandes du peuple », a déclaré le président tunisien à l’adresse des hauts cadres de la Direction générale de la Garde nationale.

Avec une abstention culminant à 88,6 %, la plus élevée depuis la révolution de 2011, qui avait fait chuter le pouvoir de l’ancien président Zine el-Abidine Ben Ali, les législatives du 17 décembre 2022 et du 29 janvier 2023, représentent l’ultime étape dans la feuille de route imposée par le président Saïed, censée sortir la Tunisie de la crise.

Le pays connaît une grave crise économique, exacerbée par les répercussions de la pandémie de coronavirus, et le coût élevé de l’importation d’énergie et de matières premières, suite à la crise russo-ukrainienne.

La Tunisie traverse également une crise politique depuis le 25 juillet 2021, date à laquelle le président Kaïs Saïed a imposé des mesures d’exception.

Des partis politiques tunisiens considèrent les mesures d’exception de Saïed comme étant un « coup d’Etat contre la Constitution de 2014 et une consécration du pouvoir autocratique », tandis que d’autres formations politiques estiment qu’il s’agit d’une « restauration » du processus de la révolution de 2011.

Saïed, qui avait entamé un mandat présidentiel de cinq ans en 2019, a dit que ses décisions relatives aux mesures d’exception, ont été prises dans le cadre de la Constitution pour protéger l’État « d’un péril imminent », mettant l’accent sur la préservation des droits et des libertés.

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