Chine: Une campagne de «sinisation» des religions vise les mosquées de style arabe.

On repère les cinq hommes de loin, avec leurs vestes sombres sur chemises claires, qui déparent dans ce village de paysans du Gansu, dans l’ouest de la Chine. Ils gardent la ruelle qui mène à une mosquée dont on aperçoit les tours, enveloppées d’échafaudages, ne laissant passer que les habitants de Zheqiao, un petit village en périphérie de la ville de Linxia. « Ce sont des hommes du gouvernement, glisse un habitant. Ils ne veulent pas que les gens viennent prendre des photos. » Mais sur les réseaux sociaux, les images de la mosquée en cours de démolition ont déjà circulé. Le 11 avril, plusieurs dizaines de personnes se sont rassemblées pour défendre l’édifice, terminé un mois plus tôt. Une semaine plus tard, lors de notre passage, plus de trace de l’imposant bulbe doré qui trônait au-dessus de la mosquée, ni des croissants de lune en métal argenté qui couronnaient les deux tours.

Les autorités locales trouvaient l’architecture « trop arabe »,rapportent plusieurs habitants. Une décision qui s’inscrit dans une politique de « sinisation » des religions, engagée depuis 2015. Elle vise à imposer un contrôle idéologique étroit et se traduit notamment par l’effacement des caractéristiques étrangères dans les pratiques et sur les bâtiments religieux en Chine. Les Hui, une minorité musulmane qui compte environ 10,5 millions de membres, principalement dans l’Ouest chinois, sont les derniers à en subir les conséquences. Les travaux pour changer le style des bâtiments sont souvent engagés à la hâte, sans discussion avec les fidèles, suscitant des protestations, comme à Zheqiao. Sur les vidéos publiées en ligne, un homme dénonce les autorités, à côté du bulbe éventré. Les tours et le bulbe sont encore surmontés de croissants métalliques. Le plafond de la salle de prière est aussi endommagé, laissant des débris sur les tapis de prière.

Quitter la version mobile