Foreign Policy : l’économie égyptienne ne se relève pas mais s’écroule

Courrier arabe

L’ancien ministre de l’investissement égyptien Yehia Hamed, qui a servi dans le gouvernement démocratiquement élu du président destitué Mohammed Morsi après le coup d’État militaire en 2013, a affirmé dans un article publié sur le magazine américain « Foreign Policy » :  » il existe une grande duperie au cœur de la miraculeuse relance économique en Égypte dont les concepteurs sont le gouvernement du président Abdel Fattah al-Sissi et le Fonds Monétaire International ».

L’ancien ministre commence son article par rappeler que l’Égypte se présente depuis une année comme « une destination d’investissement mondiale ». Une des banques d’investissement impliquée en Égypte a même considéré que ce pays menait une des réformes les plus intéressantes dans toute la région. Cependant, Yehia indique que tout cela masque une réalité plus sombre.

Dans un rapport publié par la banque mondiale en avril 2019, il a été mentionné que 60% du peuple égyptien vit dans la pauvreté ou dans des conditions précaires. L’ancien ministre explique que la mauvaise gestion chronique des finances publiques par le gouvernement a eu pour conséquence le quintuplement de la dette extérieure et le doublement de la dette publique durant les dernières cinq années en raison de la dépréciation de la livre égyptienne.

La situation va s’aggraver dans un proche avenir, prédit Yehia Hamed. Il précise également que le gouvernement affecte actuellement 38% de l’ensemble de son budget au paiement des intérêts sur l’encours de la dette et si l’on ajoute le remboursement du principal de la dette, le pourcentage grimpera à 58%.

En d’autres termes, ajoute Hamed, la part du lion des ressources publiques égyptiennes est consommée par le remboursement des dettes au lieu d’aller au soutien des couches les plus vulnérables. Dans un pays de 100 millions d’habitants, constate-t-il, une si maigre dépense pour la santé, l’éducation et l’infrastructure est alarmante.

Hamed prévient que si la tendance actuelle persistait, l’Égypte sera bientôt en faillite et cela n’est qu’une première étape vers l’échec total de l’État. Il explique: « al-Sissi commence déjà à perdre sa légitimité dans l’arène internationale à la suite des rapports concernant la manipulation des élections aux présidentielles et au référendum sur les amendements constitutionnels ».

La relation entre al-Sissi et le FMI se résume selon l’ancien ministre  en une phrase: « réduisez le déficit de la balance commerciale et vous serez qualifié à avoir plus de crédits ». Le président égyptien se trouve donc face à deux choix: celui de la réduction des dépenses publiques ainsi que les salaires du secteur public ou la défaillance dans le remboursement des dettes, le choix d’al-Sissi dans ce cas est évident selon Hamed.

Par conséquent, les subventions sur lesquelles comptent les Égyptiens pauvres leurs seront supprimées définitivement. D’ailleurs al-Sissi a commencé à préparer les plus démunis au pire en déclarant que le peuple égyptien « est capable de supporter plus. »

De plus, lorsque le FMI a émis des doutes quant à la capacité de l’Égypte à payer les intérêts des crédits, al-Sissi s’est dirigé tout simplement vers les marchés monétaires internationaux pour obtenir un capital, en comptant sur la volonté du FMI de rassurer les nouveaux investisseurs sur la stabilité de l’économie égyptienne.

Cela ne pourra pas durer, signale Hamed, les fondements mêmes de l’économie étant défaillants. Le gouvernement d’al-Sissi continue à emprunter pour financer des projets inutiles d’infrastructure tandis que les Égyptiens ordinaires arrivent à peine à acheter l’huile de cuisson.

Ainsi, les décisions économiques sont prises avec peu de considération à l’égard des intérêts de la majorité du peuple, favorisant ceux de la classe dominante. De cette manière, la clan gouvernant consolide son pouvoir. Malheureusement, cette politique est en même temps en train d’asphyxier le pays.

Yehia Hamed conclue en affirmant qu’avec le maintien au pouvoir d’al-Sissi, l’Égypte se dirige droit vers l’abîme. Il avertit que le peuple égyptien ne souffrira pas seul, sa souffrance atteindra l’Afrique et le Moyen-Orient. Même l’Europe qui a permis l’épanouissement du régime d’al-Sissi au nom du pragmatisme, sera elle aussi touchée.

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