La visite de Mohammed ben Salmane à l’Élysée divise la classe politique française

La réception à l’Élysée de Mohammed ben Salmane, jeudi soir, divise la classe politique française. Là où Aurore Bergé, cheffe de file de la majorité présidentielle à l’Assemblée nationale, défend une « nécessité absolue » de discuter, plusieurs voix de l’opposition critiquent ce dîner de travail avec Emmanuel Macron. De son côté, l’Élysée assure que le président de la République « abordera la question des droits de l’Homme » avec le prince hériter saoudien.

Une visite sujette à controverse. Alors qu’Emmanuel Macron reçoit, jeudi 28 juillet au soir, Mohammed ben Salmane à l’Élysée –pour un « dîner de travail », selon l’agenda présidentiel–, plusieurs voix de l’opposition s’élèvent pour critiquer la venue du prince héritier saoudien. Ce dernier effectue son premier voyage dans l’Union européenne depuis l’assassinat du journaliste Jamal Khashoggi, en 2018.

L’ancien candidat écologiste à la présidentielle, Yannick Jadot, a critiqué sur Twitter cette visite de « MBS » : « Au menu du dîner entre Emmanuel Macron et MBS le corps démembré du journaliste Jamal Khashoggi ? Le chaos climatique ? La paix et les droits humains ? Le jour du dépassement ? Non ! Du pétrole et des armes ! L’exact opposé de ce qu’il faut faire ! », a dénoncé l’eurodéputé EELV.

La députée écologiste de l’intergroupe Nupes, Sandrine Rousseau, a quant à elle listé les raisons qui auraient pu justifier un refus de recevoir le prince héritier saoudien : « (MBS) sanctionne de peine de mort l’homosexualité, donne aux femmes un statut de mineure, achète des armes à la France pour tuer les civils au Yémen, commandite le meurtre de Jamal Khashoggi. » Et elle poursuit : « MAIS (il) a du pétrole DONC (il) est reçu à l’Élysée. »

« Macron va recevoir le prince saoudien ben Salmane, dit ‘MBS’, infréquentable entre autres, depuis l’assassinat du journaliste Jamal Khashoggi. Pour Macron, le pétrole n’a ni odeur, ni horreur ! », a réagi pour sa part l’eurodéputé ex-Rassemblement national, Gilbert Collard.

« Discuter avec l’ensemble des pays du Golfe »

« Je crois qu’il est important que le président de la République française puisse recevoir un certain nombre de ceux qui sont de facto ses interlocuteurs (…) d’autant plus dans le contexte que l’on connaît, lié à la crise ukrainienne et aux enjeux énergétiques majeurs que nous avons », a plaidé au contraire, sur Franceinfo, la cheffe de file des députés Renaissance (ex-LREM), Aurore Bergé.

« Discuter avec l’ensemble des pays du Golfe me paraît une nécessité absolue, ça ne veut pas dire que vous oubliez les sujets (…) qui sont essentiels en termes de valeurs et de droits de l’Homme, mais vous avez la nécessité d’entretenir évidemment un dialogue », a-t-elle ajouté.

« On a besoin aussi de continuer à avoir un dialogue approfondi avec l’ensemble des pays du Golfe, et vous devez le faire, y compris évidemment avec le président saoudien », a insisté la députée de la majorité présidentielle.

Selon l’Élysée, Emmanuel Macron « abordera la question des droits de l’Homme » avec le prince hériter saoudien. En déplacement dans les Vosges, la Première ministre a assuré que cette visite ne revenait pas à « mettre de côté nos principes. Il ne s’agit pas de remettre en cause notre engagement en faveur des droits de l’homme », a déclaré Elizabeth Borne.

Une plainte déposée à Paris contre MBS 

Cette visite de Mohammed ben Salmane intervient après celle d’Emmanuel Macron à Jeddah, en Arabie saoudite, en décembre 2021. Elle marque aussi le retour sur la scène internationale du prince héritier, qui a accueilli en Arabie saoudite, il y a deux semaines, le président Joe Biden.

Mais cette réhabilitation choque les défenseurs des droits humains. À l’occasion de la visite du prince héritier à Paris, une plainte pour complicité de torture et de disparition forcée en lien avec l’assassinat du journaliste Jamal Khashoggi a été déposée jeudi, ont annoncé deux ONG et leur avocat français.

Cette plainte de 42 pages affirme que MBS « est un complice de la torture et de la disparition forcée de Jamal Khashoggi au consulat saoudien, à Istanbul, le 2 octobre 2018 » et qu’il « ne bénéficie pas de l’immunité de poursuite car, en tant que prince héritier, il n’est pas chef d’État », précisent l’ONG Democraty for the Arab World Now (DAWN) et l’association Trial International.

Par ailleurs, la compagne de Jamal Khashoggi, Hatice Cengiz, s’est dite « scandalisée et outrée qu’Emmanuel Macron reçoive avec tous les honneurs le bourreau de mon fiancé », dans un message rédigé en français adressé à l’AFP.

MBS avait été banni par les pays occidentaux, après le meurtre, en 2018, du journaliste saoudien. Les services de renseignement américains ont alors mis en exergue la responsabilité du prince héritier saoudien, envenimant pendant un temps les relations entre Riyad et Washington.

Le contexte de la guerre en Ukraine et de l’envolée des prix de l’énergie a aussi incité les pays occidentaux à revoir leurs relations avec l’Arabie saoudite, premier exportateur mondial de brut, qu’ils cherchent à convaincre d’ouvrir les vannes afin de soulager les marchés.

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