Les premières tendances du dépouillement de ce gigantesque scrutin donnent une confortable avance au BJP, le parti du Premier ministre.

Il n’y avait guère de place pour le suspense. Comme prévu, le Bharatiya Janata Party (BJP) du Premier ministre indien Narendra Modi avait, jeudi, une large avance sur ses rivaux dans les premières tendances du dépouillement des élections législatives du géant d’Asie du Sud, selon la commission électorale. À 15 heures, heure locale (9 h 30 GMT), le BJP était en tête du comptage des voix dans 300 circonscriptions, sur 542 sièges de députés à la Chambre basse du Parlement, d’après le site de la commission électorale. Par contraste, le parti du Congrès, principale formation d’opposition, ne faisait la course en tête que dans 50 circonscriptions de la Lok Sabha.
Bien qu’aucun siège n’ait encore été officiellement attribué, les nationalistes hindous ont d’ores et déjà revendiqué la victoire. « L’Indegagne à nouveau ! » s’est exclamé Narendra Modi sur Twitter, où il est suivi par 47 millions d’abonnés. « Ensemble, nous bâtirons une Inde forte et inclusive », a-t-il ajouté. Son puissant bras droit et patron du BJP, Amit Shah, a estimé sur ce même réseau social que « cette grande victoire est la victoire de la foi du peuple en cinq années de leadership progressiste et fort du Premier ministre Modi ».
Ultra-personnification du pouvoir
Pratiquant une ultra-personnification du pouvoir et doté d’un sens politique redoutable, Narendra Modi, 68 ans, a fait de ces législatives un quasi-référendum sur sa personne. Cet adepte d’une gouvernance par coups d’éclat (bombardement au Pakistan, démonétisation-surprise de billets…) a axé sa campagne sur un discours sécuritaire anxiogène, s’érigeant en défenseur de la nation. « Il a amené le programme nationaliste hindou dans chaque foyer. Il a dit que le pays était en danger à cause du Pakistan et les gens l’ont cru », a déclaré à l’AFP Hemant Kumar Malviya, professeur de sciences politiques à l’université hindoue de Varanasi. Les marchés financiers indiens, qui voient le chef de gouvernement comme favorable aux affaires, ont bondi à l’annonce de ces premières tendances et atteint des niveaux inédits. L’indice Sensex a brièvement franchi la barre encore jamais atteinte de 40 000 points. La roupie se renforçait aussi face au dollar.
Des stars de Bollywood aux modestes vendeurs de rue, des agriculteurs de la plaine du Gange aux magnats milliardaires, 67 % des 900 millions d’électeurs indiens ont voté au cours de sept gigantesques phases réparties entre avril et mai. La démocratie la plus peuplée du monde a élu ses députés au cours d’un vote-marathon étalé sur six semaines entre avril et mai, plus grand scrutin jamais organisé dans l’histoire. Le comptage des voix, enregistrées sur des machines électroniques dans plus d’un million de bureaux de vote, a débuté jeudi à 8 heures, heure locale (2 h 30 GMT), à travers le pays.
Modi contre Gandhi
À la télévision, sur Internet, sur des affiches dans la rue, le visage orné d’une barbe blanche et barré de fines lunettes de Narendra Modi est une présence constante dans la vie quotidienne des Indiens depuis son arrivée au pouvoir en 2014. Une saturation de l’espace public que l’Inde n’avait plus connue depuis la Première ministre Indira Gandhi, assassinée en 1984. Le charismatique fils d’un vendeur de thé du Gujarat (Ouest) est opposé à une myriade de puissants partis régionaux bien décidés à le faire chuter, ainsi qu’au parti du Congrès emmené par l’héritier de la dynastie politique des Nehru-Gandhi, Rahul Gandhi. Arrière-petit-fils, petit-fils et fils de Premiers ministres indiens, Rahul Gandhi, 48 ans, a la lourde charge de rajeunir et ramener aux responsabilités une formation hétérogène et usée par sa longévité.
Si les tendances du dépouillement se concrétisent, le BJP s’apprête une nouvelle fois à infliger au parti l’une des pires défaites de son histoire. Rahul Gandhi pourrait même être battu dans sa circonscription familiale d’Amethi (Uttar Pradesh, nord), où la candidate du BJP possède une légère dans le comptage des voix à la mi-journée. Il devrait quand même siéger au Parlement, car il concourait en parallèle dans une circonscription du Kerala (Sud). « La campagne [du Congrès] a été un désastre et leur existence même est maintenant en question », a estimé Hartosh Singh Bal, journaliste politique au magazine The Caravan.
Avant même l’annonce officielle des résultats, des messages de la communauté internationale parvenaient déjà au Premier ministre. « Félicitations sincères à mon ami Narendra Modi pour votre victoire impressionnante aux élections ! Les résultats des élections sont une nouvelle confirmation de votre leadership et de la façon dont vous dirigez la plus grande démocratie du monde », a tweeté le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu, qui a tissé des liens étroits avec le dirigeant nationaliste indien.