Le mouvement de contestation réclame que le Conseil militaire de transition, qui s’est donné un mandat de deux ans, lâche le pouvoir.
Au son de chants révolutionnaires, une foule immense a déferlé, jeudi 25 avril à Khartoum, la capitale du Soudan, à l’appel des chefs de file de la contestation à une « marche du million » pour que l’armée cède le pouvoir à une autorité civile. Un Conseil militaire de transition dirige le pays depuis le renversement par l’armée du président Omar Al-Bachir le 11 avril, après des mois de manifestations populaires.
«Œil pour œil, dent pour dent, nous n’accepterons pas les compensations» proposées par les militaires jusqu’à présent, chantent les manifestants devant le siège de l’armée, où a lieu un sit-in permanent depuis le 6 avril. Ils réclament la condamnation des responsables du régime d’Omar Al-Bachir durant ses quelque trente ans au pouvoir. La veille, trois généraux contestés sur les dix membres du Conseil militaire avaient démissionné.
Aussi, pour la première fois, des magistrats, drapés dans leur robe, ont défilé, ce jeudi, depuis la Cour constitutionnelle pour réclamer «l’indépendance» du système judiciaire et rejeter toute «intervention politique». Mais à leur arrivée devant le QG de l’armée, certains manifestants les ont accueillis avec colère en leur reprochant d’avoir rendu des verdicts favorables au régime dans le passé.
Contestation qui va crescendo
Des manifestants venus des Etats de Jazira (centre) et du Nil Bleu (Sud-Est), ainsi que du village natal du président déchu, étaient également présents à Khartoum. Des groupes de femmes, particulièrement actives depuis le début de la contestation, le 19 décembre 2018, ont brandi des drapeaux soudanais en chantant.
Des rassemblements ont été signalés dans cinq autres Etats du pays, dont un dans la région en conflit du Darfour (ouest), chacun répondant à sa façon à l’appel à participer à la «marche du million» lancé par l’Alliance pour la liberté et le changement (ALC), qui regroupe les principales formations du mouvement de protestation.Face à une contestation qui va crescendo, le Conseil militaire avait annoncé, mercredi, avoir conclu un « accord » avec l’ALC «sur la plupart des exigences présentées» par cette coalition, sans donner plus de détails ni de calendrier pour le transfert du pouvoir à une autorité civile.Dans un communiqué sur Twitter, l’Association des professionnels soudanais (SPA), fer de lance de la contestation qui fait partie de l’ALC, a vu dans la réunion de mercredi une étape vers un «renforcement de la confiance» entre les deux parties et annoncé la mise en place d’un «comité conjoint» pour «discuter des problèmes en suspens».L’un des leaders de la contestation, Siddiq Farouk, avait brandi, mercredi, la menace d’une «grève générale» à travers le pays si le Conseil militaire n’accédait pas aux revendications des manifestants. La contestation, déclenchée le 19 décembre par la décision du gouvernement d’Al-Bachir de tripler le prix du pain, avait rapidement mué en une dénonciation du président et du système en place.
« Pas d’ingérence dans nos affaires »
Plusieurs pays africains réunis, mardi, chez le voisin égyptien sous la houlette du maréchal président Abdel Fattah Al-Sissi ont décidé d’accorder trois mois au Conseil militaire pour assurer une «transition pacifique et démocratique».L’Union africaine avait, pour sa part, menacé, le 15 avril, de suspendre le Soudan si l’armée ne quittait pas le pouvoir d’ici à quinze jours au profit d’une «autorité politique civile».Réagissant à la déclaration du Caire, des Soudanais ont protesté, jeudi, devant le consulat et l’ambassade d’Egypte à Khartoum, arborant des banderoles sur lesquelles était écrit : «Sissi (…) pas d’ingérence dans nos affaires.».