Tunisie : Pétition appelant à faire face à l’autocratie du président Saïed

Une pétition en ligne a été signée mardi par 75 personnalités tunisiennes, exprimant leur opposition à la poursuite de ce qu’elles appellent le « coup d’État » du président du pays, Kaïs Saïed, contre la Constitution, et s’engageant à faire face au « pouvoir unique et absolu « .

La Tunisie traverse une grave crise politique depuis le 25 juillet dernier, lorsque Saïed a décidé d’une série de mesures d’exception, dont le gel des pouvoirs du Parlement, la levée de l’immunité de ses députés, ainsi que la suppression de l’organe de contrôle de la constitutionnalité des lois.

Saïed légifère depuis par décrets présidentiels et a pris la tête du ministère public. Il a également limogé le Premier ministre Hichem Mechichi, prenant ainsi la tête de l’exécutif, assisté d’un gouvernement dont il a nommé la cheffe en la personne de l’universitaire Najla Bouden.

Selon les informations recueillies par l’Agence Anadolu, la pétition a jusqu’ici recueilli les signatures de 75 personnalités, dont des parlementaires, des professeurs d’université, des militants des droits de l’Homme et des activistes politiques.

Publiée sur Facebook sous le titre « Défendre la démocratie… contre l’autocratie », la pétition compte parmi ses signataires le secrétaire général du Parti Al-Jomhouri (républicain), Issam Chebbi ; le député Safi Saïd ; l’ancien ministre Ayachi Hammami et Sihem Bensedrine, présidente de l’Instance « Vérité et Dignité » (non gouvernementale).

Le texte de la pétition affirme que « le coup d’État de Kaïs Saïed contre la Constitution ne peut pas être considéré comme une solution à la crise politique antérieure au 25 juillet, mais plutôt comme un approfondissement de cette crise et une précipitation du pays vers l’inconnu, compte tenu de l’exacerbation de la crise économique et financière et de l’isolement international que ce coup d’État lui a valu. »

À plus d’une reprise, Kaïs Saïed – qui a entamé en 2019 un mandat présidentiel de 5 ans – a déclaré que ses mesures d’exception ne relevaient pas d’un coup d’État, mais étaient des mesures prises dans le cadre de la Constitution pour « prémunir l’État contre un danger imminent « , selon son appréciation.

La pétition a dénoncé le fait que Kaïs Saïed a dépassé la période prévue pour les mesures d’exception, affirmant : « 100 jours pendant lesquels la constitution a été suspendue, les instances de contrôle et d’amendement ont été supprimées, et le président de la République s’est octroyé le pouvoir de légiférer par décrets sans possibilité de recours devant la justice. »

Et d’estimer que cette période exceptionnelle a entraîné « un isolement diplomatique sans précédent du pays et la rupture du dialogue avec les institutions financières internationales, ce qui a affecté négativement les ressources de l’Etat et menace la situation économique d’effondrement. »

La pétition évoque également « la situation des droits et des libertés qui a connu un dangereux recul, comme en témoignent les nombreuses mesures d’interdiction de voyage, l’assignation à résidence de personnalités publiques et le renvoi de parlementaires et de représentants des médias devant la justice militaire. »

Selon ce document, Kaïs Saïed « a diabolisé tous ceux qui ne partagent pas son opinion (…) et les a accusés de trahison à la patrie, ce qui a conduit à l’émission du mandat d’amener international à l’encontre de l’ancien président Mohamed Moncef Marzouki (2011-2014) sur fond de déclarations aux médias. »

La majorité des forces politiques en Tunisie rejettent les mesures d’exception décidées par Kaïs Saïed, et les considèrent comme un « coup d’État contre la Constitution », tandis que d’autres forces les soutiennent et y voient une « correction du cours de la révolution de 2011 », qui a renversé le président de l’époque, Zine El Abidine Ben Ali.

La pétition a estimé que « toute réforme portant sur le système politique, la loi électorale ou le statut constitutionnel du pouvoir judiciaire ne peut se faire que dans le cadre d’un dialogue national global et inclusif qui trace les orientations et les mécanismes d’un retour à la légitimité constitutionnelle. »

Les signataires se sont engagés à « agir de concert avec toutes les organisations sociales, les partis politiques et les personnalités nationales et à communiquer avec les citoyens afin de faire face à l’autocratie, de défendre les libertés et de garantir la séparation des pouvoirs. »

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