Tunisie: La Commission internationale de juristes dénonce la révocation de 57 juges par le président

La décision du Président de révoquer unilatéralement 57 juges est un affront à l’État de droit et à l’indépendance de la justice en Tunisie et doit être abrogée, a déclaré aujourd’hui la Commission Internationale de Juristes (CIJ).

C’est ce qui ressort d’un communiqué rendu public par la Commission internationale de Juristes (CIJ), consulté par l’Agence Anadolu.

Le 1er Juin, le Président Saïed a publié le décret présidentiel no 35 lui permettant de révoquer unilatéralement tout juge sur la base de critères vagues et non définis, sans procédure légale régulière, ni possibilité de faire appel de la décision devant un tribunal. Il a ensuite immédiatement révoqué 57 juges en vertu de l’ordonnance présidentielle no 516, dont le Président de l’ancien Conseil Supérieur de la Magistrature, Youssef Bouzakher, lit-on de même source.

La CIJ a souligné que le décret violait le principe fondamental de l’État de droit, la séparation des pouvoirs, en ce qu’il empiète à la fois sur l’autorité du pouvoir judiciaire de s’auto-administrer et sur le pouvoir du Parlement d’établir le cadre juridique dans lequel l’administration de la justice opère dans le pays.

Plutôt que de se baser sur des preuves probantes pour l’action en révocation par le biais d’une procédure ouverte et équitable, menée par un organe indépendant, la décision semble avoir été fondée sur de vagues allégations de corruption et d’inconduite, non étayées par des procédures engagées dans le cadre d’une procédure régulière, a encore fait savoir la CIJ.

La révocation unilatérale et collective de 57 juges par décret présidentiel, sans aucune procédure ni possibilité de recours, met effectivement fin à tout semblant d’indépendance judiciaire et d’État de droit en Tunisie. « Le Président dit qu’il prend ces mesures pour préserver la réputation et l’indépendance du pouvoir judiciaire, mais ses actions font exactement le contraire », a déclaré Said Benarbia, directeur du programme MENA de la CIJ.

« Parce qu’aucun juge n’est en sécurité en Tunisie aujourd’hui, les droits et libertés des Tunisiens ne le sont pas non plus. La communauté internationale doit dénoncer les révocations arbitraires des juges et appeler au retour à l’ordre constitutionnel, notamment par le rétablissement d’un Conseil Supérieur de la Magistrature indépendant ».

En vertu des normes internationales, toutes les procédures disciplinaires, de suspension ou de révocation contre les juges doivent être déterminées par un organe indépendant et doivent être entreprises sous les auspices judiciaires et non pas exécutifs. La révocation doit être conforme aux normes établies de conduite judiciaire et aux procédures qui garantissent les droits des juges à un procès équitable, y compris leur droit à la présomption d’innocence, les droits de la défense et le droit de faire appel, selon la CIJ.

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