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Mohammed ben Zayed, le prince héritier d’Abou Dabi, joue le long terme

Bill Law

Mohammed ben Zayed (MBZ), prince héritier d’Abou Dabi et dirigeant de facto des Émirats arabes unis, est perçu par certains observateurs comme un dirigeant dont les efforts pour propulser un petit État du Golfe sur la scène mondiale en tant qu’acteur important et puissant au Moyen-Orient ont mal tourné.

Ses détracteurs font état de la guerre désastreuse au Yémen dans laquelle MBZ est entré en mars 2015 avec son homologue plus jeune, le prince héritier saoudien Mohammed ben Salmane (MBS).

Ils relèvent le soutien qu’il accorde au chef de guerre libyen Khalifa Haftar, dont les efforts pour s’emparer de la capitale libyenne Tripoli ont seulement abouti à une impasse.

Contrairement au prince héritier irréfléchi d’Arabie saoudite, MBZ est prêt à jouer sur le long terme et à mesurer les conséquences et les issues probables

Ils soutiennent que les relations avec les États-Unis se sont dégradées parce que les Émiratis ont affiché un soutien qui ne peut être considéré que comme tiède aux efforts déployés par Donald Trump pour neutraliser l’Iran et le forcer à renégocier l’accord sur le nucléaire.

Bien que partiellement valables, ces critiques tendent plutôt à occulter un fait simple au sujet de Mohammed ben Zayed : contrairement au prince héritier irréfléchi d’Arabie saoudite, MBZ est prêt à jouer sur le long terme et à mesurer les conséquences et les issues probables.

Il suffit de jeter un œil au Yémen. Lorsque les Saoudiens et les Émiratis ont lancé leur guerre contre les rebelles houthis, l’objectif affiché était de rétablir le gouvernement internationalement reconnu d’Abd Rabbo Mansour Hadi. C’était en tout cas ce qui était affirmé.

En réalité, les Émiratis avaient – depuis le début – des intentions différentes de celles des Saoudiens. Il s’agissait de créer dans le sud du Yémen un État client avec la ville d’Aden comme lien essentiel dans une stratégie de ports militaires et commerciaux s’étendant jusqu’à la Corne de l’Afrique et au-delà.

En alliant leurs forces au mouvement sécessionniste du sud, les Émiratis ont pu prendre le contrôle d’Aden et de l’île vitale de Socotra, située dans le golfe d’Aden, qui relie les routes commerciales maritimes vers l’Extrême-Orient et l’Afrique.

Dans le même temps, Mohammed ben Salmane n’a fait aucun progrès contre les Houthis tout en endossant une grande part de responsabilité – et à juste titre – pour les atrocités quasiment sans fin que la campagne de bombardement inflige au peuple yéménite.

Une faible surveillance

Les Émiratis ont eux-mêmes été accusés de nombreux crimes de guerre, tout comme les Houthis, mais au grand dam des Saoudiens, ce sont eux qui font les frais de l’opprobre international.

Ce sont les Saoudiens qui sont la cible des responsables politiques américains des deux chambres et des deux camps, tandis que les Émiratis, habilement pilotés par leur ambassadeur à Washington Yousef al-Otaiba, ont bénéficié d’une faible surveillance.

Vis-à-vis de l’Iran, les événements dans le chaos de la Maison-Blanche de Donald Trump semblent être de plus en plus allés dans le sens de MBZ

Désormais, à la consternation des Saoudiens, les Émiratis réduisent leurs troupes et semblent prêts à se retirer presque complètement de la guerre au Yémen.

Vis-à-vis de l’Iran, les événements dans le chaos de la Maison-Blanche de Donald Trump semblent être de plus en plus allés dans le sens de MBZ.

Le conseiller à la sécurité nationale John Bolton, l’architecte de la ligne dure, a été brutalement renvoyé par Trump. À présent, le plus imprévisible des présidents réfléchit à une rencontre avec le président iranien Hassan Rohani.

L’ultra-faucon Bolton qui avait réclamé un changement de régime est parti, laissant Mohammed ben Salmane et le Premier ministre israélien Benyamin Netanyahou – qui lutte actuellement pour sa survie politique – dans une situation délicate.

C’est une situation que MBZ a intelligemment évitée en minimisant les incidents maritimes survenus dans le détroit d’Ormuz, notamment les attaques par mines contre des pétroliers au large des côtes émiraties.

Les tambours de guerre

Les Émiratis ont refusé de se joindre au chœur accusant les Iraniens de l’attaque. « Nous ne pouvons accuser aucune nation pour le moment car nous n’avons pas de preuve irréfutable », a ainsi indiqué leur ministre des Affaires étrangères.

Il a également appelé au calme et à la stabilité alors que Riyad, Tel-Aviv et Washington battaient allègrement les tambours de guerre. Maintenant que Bolton est parti et que le président Trump parle d’une rencontre avec le président iranien Hassan Rohani, cela semble être un appel très habile.

Et dans la foulée des attaques de drones menées contre les installations pétrolières de Saudi Aramco, que les États-Unis ont immédiatement attribuées à l’Iran, un haut responsable émirati a décrit une escalade dangereuse sans pour autant désigner de responsables.

En Libye, Khalifa Haftar doit se demander combien de temps les Émiratis soutiendront encore sa campagne infructueuse

En attendant, Khalifa Haftar doit se demander combien de temps les Émiratis soutiendront encore sa campagne infructueuse, qui a déjà fait plus de 1 000 victimes.

Tout comme les Émiratis ont brusquement mis un terme à leur soutien en faveur des rebelles syriens en 2016 lorsqu’il s’est avéré que Washington n’était pas satisfait. On peut donc s’attendre à ce qu’ils retirent rapidement leur soutien à Haftar en demandant des pourparlers de paix et une médiation.

Cela ne veut pas dire que tout a été parfaitement réussi pour MBZ. Avec l’attaque maladroite à base de fausses informations menée en 2017 par les Émirats arabes unis contre un autre membre du Conseil de coopération du Golfe, le Qatar, ainsi que la rupture du CCG qui s’est ensuivie, il a marqué un but contre son camp.

Les Qataris ont surmonté le blocus économique imposé par les Émirats arabes unis, l’Arabie saoudite, Bahreïn et l’Égypte, ce qui les a mis dans la position de leadership et désignés comme les seuls à se comporter comme des adultes responsables.

Mais là encore, les pressions exercées par les Américains pour mettre fin à la fracture ont principalement visé les Saoudiens. Les Émiratis, qui sont les principaux coupables, ont en grande partie échappé à la censure de Washington.

L’assassinat brutal du journaliste saoudien Jamal Khashoggi dans le consulat d’Arabie saoudite à Istanbul en octobre dernier pourrait bien avoir été le signal indiquant que MBZ avait besoin de se distancier de Mohammed ben Salmane, accusé entre autres par la CIA et l’ONU d’être responsable du meurtre de Khashoggi.

Un bilan horrible en matière de droits de l’homme

Dans le domaine des droits de l’homme, les Émiratis affichent un bilan à peu près tout aussi horrible que celui des Saoudiens. Comme les Saoudiens, ils ont emprisonné des détracteurs et des activistes de la cause démocratique lors de procès-spectacles employant des preuves extorquées sous la torture.

Dans le cadre d’une affaire épouvantable, ils ont refusé la libération d’une jeune femme cancéreuse et mourante, préférant la laisser enchaînée dans un lit d’hôpital plutôt que de l’autoriser à mourir chez elle entourée de sa famille.

Les détracteurs de MBZ le présentent comme quelqu’un qui a eu les yeux plus gros que le ventre. Cela revient à sous-estimer la ruse de cet acteur, prêt à s’éloigner des stratégies musclées lorsqu’elles ont servi ses fins – comme au Yémen – ou lorsqu’elles menacent ses objectifs – comme en Libye.

Ce revirement vers une stratégie plus souple n’est pas un retrait, mais le retranchement d’un dirigeant qui a prouvé qu’il était plus que capable d’apprendre de ses erreurs, ce dont son homologue à Riyad continue de se montrer incapable.

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