Amani Ballour, une pédiatre syrienne au cœur des combats

Al Ghouta, Syria - Dr Amani amongst rubble. (National Geographic)

Cette jeune pédiatre syrienne a dirigé un hôpital souterrain dans la région rebelle de la Ghouta près de Damas, jusqu’à la reconquête de cette zone par le régime de Bachar el-Assad. Le docteur Amani Ballour vit désormais en exil et le documentaire « The Cave » raconte son histoire.

La voix du docteur Ballour reste calme et douce, même lorsqu’elle se souvient des pires moments du siège de la Ghouta. « Je me souviens d’un enfant de 5 ans qui avait perdu sa main et il me demandait ‘pourquoi as-tu coupé ma main ?’ C’est très difficile de répondre à cela, très difficile à expliquer. Quand ils arrivaient aux urgences avec des blessures graves, je ne pouvais pas regarder leurs yeux ni les écouter. J’essayais de me concentrer sur les blessures, sur mon travail de médecin. Ce n’est pas facile naturellement, mais je n’avais pas le choix ».

Les traits fins, presque enfantins, encadrés par un foulard, Amani Ballour est de passage à Paris. La jeune femme, diplômée de la Faculté de médecine de Damas, n’avait pas trente ans lorsque son pays a plongé dans la guerre. Dès 2013 elle est témoin de l’attaque chimique meurtrière de la Ghouta. En zone rebelle, elle soigne les blessés avant d’être choisie par ses collègues pour diriger l’hôpital souterrain de Douma. « Dans les moments où nous sauvions une vie, quand nous aidions un enfant, cela nous encourageait à continuer. Nous sentions que nous étions utiles, que les gens avaient besoin de nous », raconte Amani Ballour, restée dans la Ghouta jusqu’en 2018, date de la chute de ce bastion rebelle.

The Cave

Les civils victimes des bombardements et des attaques chimiques, les pénuries de médicaments, les équipes médicales submergées, la détresse de la population, puis l’exil forcé devant l’armée du régime syrien, tout cela est raconté dans « The Cave », un documentaire du réalisateur syrien Firas Fayyad. Le film suit la frêle silhouette du docteur Ballour, entre scènes d’horreur au service des urgences et paysages dévastés après les bombardements. Pourtant, la pédiatre avait commencé par refuser qu’une équipe filme son hôpital souterrain, avant de changer d’avis : « Après des années de siège, de bombardements et de pénurie alimentaire et alors que personne ne faisait rien pour nous, j’étais vraiment désespérée. Et là j’ai accepté pour dire la vérité aux gens. Le régime Assad n’arrêtait pas de mentir en disant qu’il combattait les terroristes. Nous n’étions pas des terroristes, mais des civils et eux bombardaient les hôpitaux et les écoles, mais pas les positions des groupes armés. Je voulais que les gens connaissent la vérité, et j’ai fini par dire oui. »

Éducation des filles

Dans « The Cave », on découvre aussi les difficultés de la pédiatre pour se faire respecter en tant que femme directrice d’hôpital dans un milieu conservateur. Aujourd’hui, c’est le nouveau combat d’Amani Ballour : exilée à l’étranger, elle lance sa fondation, Al Amal (« l’espoir » en arabe). « Le principal objectif c’est de soutenir les femmes et les jeunes filles en zone de conflit et particulièrement en Syrie. Ce que j’ai vécu au sein de ma communauté – quand j’ai commencé à diriger l’hôpital – c’est que beaucoup d’hommes, beaucoup de gens ne l’acceptaient pas, car je suis une femme ! Et on peut dire que partout en Syrie les femmes souffrent de cette image. On considère qu’elles doivent rester à la maison, se marier et avoir des enfants. Nous devons changer cela, soutenir les femmes c’est soutenir l’ensemble de la communauté. Donc nous devons éduquer les femmes ».

« The Cave » a été sélectionné dans la catégorie documentaire aux Oscars cette année. Après les États-Unis, le docteur Amani Ballour est actuellement en Europe où elle multiplie les rencontres afin d‘alerter sur la situation des civils en Syrie, notamment dans la région d‘Idleb.

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