Crise économique au Liban: les banques au cœur de la crise

Le secteur bancaire au Liban est au cœur de la crise financière qui frappe le Liban depuis le mois d’octobre dernier. La décision des banques de limiter les retraits en devises aux guichets et aux distributeurs automatiques de billets a provoqué la colère des déposants et la crainte de voir leur épargne partir en fumée.

Des incidents, parfois violents ont eu lieu dans certaines succursales entre des clients et des employés. Les banques sont tenues responsables de la crise financière par une partie du mouvement de contestation.

Les manifestants accusent les banquiers de s’être enrichis en investissant une grande partie des dépôts des épargnants, notamment l’argent envoyé par la diaspora du golfe et d’Afrique, en bons du Trésor et en eurobonds, à des taux avantageux, pour financer les besoins de l’État. Des montages financiers complexes, encouragés par la Banque centrale, ont permis aux banques de faire des profits faramineux, mais au détriment de l’économie.

L’agriculture et l’industrie ont été négligées, remplacées par une économie de rente qui ne produisait presque plus rien. Le déficit commercial et la balance des paiements se sont creusés dans un pays qui importe près de 80% de ses besoins. Tous ces déficits, en plus de celui de l’État, étaient financés par ces montages financiers qui profitaient aux banques. Résultat : l’épargne, prêtée à l’État au fil des ans, n’existe plus que sur le papier. C’est pour cette raison que les retraits en devises sont rationnés.

Gel des avoirs d’une vingtaine de banques

Le procureur financier libanais a pris jeudi 5 mars une décision inattendue en gelant les avoirs d’une vingtaine de banques. Cette mesure est inédite au Liban. La décision du procureur financier Ali Ibrahim vise, selon lui, à « protéger les déposants et secouer les banques, en leur rappelant qu’elles ne sont pas au-dessus des lois ». Le magistrat a gelé les biens immobiliers, les voitures, les actions, des banques et de leurs présidents, mais pas les dépôts ou les transactions bancaires.

La décision leur interdit de vendre ou de liquider les avoirs. Cette mesure est intervenue alors que les propriétaires de certaines banques sont soupçonnés d’avoir fait sortir du pays des milliards de dollars pour les mettre à l’abri à l’étranger, notamment en Suisse, alors que les Libanais ne peuvent plus transférer de l’argent à l’étranger depuis le début du mois de novembre.

Une décision suspendue par le procureur général

Mais coup de théâtre, la décision du procureur financier a été à son tour gelée par le procureur général quelques heures plus tard. Le procureur de la République, Ghassan Oueidat, a expliqué qu’après le gel des avoirs des banques, il a reçu des informations selon lesquelles « les autorités financières internationales avaient l’intention de cesser de traiter avec les banques et les institutions financières libanaises », ce qui aurait plongé les secteurs monétaire, financier et économique dans le « chaos ». Il a donc suspendu la décision de son collègue afin d’en évaluer les « répercussions sur la monnaie nationale, les transactions bancaires, l’argent des déposants et la sécurité économique ».

En réalité, ces divergences au sein de la justice ne font que refléter les divisions de la classe politique entre ceux qui veulent en découdre avec les banques qu’ils jugent responsables de la crise, et ceux qui veulent les protéger.

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