Les contestation en Algérie inquiète la France

Alors qu’un vent de contestation d’un possible cinquième mandat de Bouteflika souffle en Algérie, en France, le pouvoir redoute les conséquences d’une déstabilisation de ce pays.

C’est un détail révélateur : interrogé sur la situation en Algérie, l’Elysée préfère, prudemment, renvoyer son interlocuteur au Quai d’Orsay. Pourtant, c’est bel et bien dans le bureau présidentiel que se prennent les décisions et orientations cruciales sur ce dossier brûlant entre tous, depuis des décennies.

Ainsi, selon le journaliste Mohamed Sifaoui, auteur de « Où va l’Algérie ? »*, c’est Emmanuel Macron en personne qui aurait donné, il y a quelques semaines, l’aval de la France à la nouvelle candidature, pour un cinquième mandat, d’un président Abdelaziz Bouteflika à bout de souffle. Il est incontestable que, vu de Paris, la contestation sans cesse montante de la rue d’Alger et de multiples villes du pays contre cette perspective jugée « humiliante » — être dirigés par un grabataire devenu quasi invisible —, fait très peur.

Conséquences économiques, humaines et sécuritaires

Normal, les relations entre les deux pays sont aussi passionnelles que compliquées, les deux nations sont littéralement imbriquées l’une dans l’autre. Une déstabilisation de l’Algérie, plus grand pays africain et, surtout, l’une des toutes premières puissances militaires du continent, aurait forcément de graves conséquences en France. Sur le plan économique, d’abord. Paris, outre d’importants liens économiques avec son ancienne colonie, est très dépendant du gaz fourni par l’Algérie.

Mais c’est surtout sur le plan humain que l’impact serait considérable. « On dénombre environ un million de binationaux franco-algériens, avance Mohamed Sifaoui, quelque 150 000 à 200 000 en Algérie, 800 000 ici. Si on élargit à leurs familles, on atteint un nombre proche d’une quinzaine de millions de personnes qui, à un titre ou un autre, pourraient prétendre légalement se réfugier en France », assure le spécialiste, se défendant de tout « catastrophisme ». De fait, un exode massif, par voie d’embarcations de fortune arrivant sur les côtes européennes, ou de centaines de milliers de voyageurs « légaux » débarquant par avion dans les aéroports français, « provoquerait immanquablement des polémiques et ferait grimper les populismes ».

Alarmantes, enfin, les conséquences sur le plan sécuritaire. « A côté d’une Libye déjà déstabilisée, d’un Sahel en proie aux groupes djihadistes, de Boko Haram jusqu’aux confins du Yémen, le basculement d’un pays de 42 millions d’habitants, dont la moitié âgée de moins de 20 ans, serait gravissime », reprend Sifaoui, directeur du magazine « Contre Terrorisme ». Les militaires et les services de renseignement algériens sont d’actifs partenaires des Français dans la lutte contre le terrorisme, un fléau qui touche particulièrement notre pays depuis, justement, la première grande crise en Algérie de la décennie 1 990. Un Etat déstabilisé, ou, pis, aux mains d’un régime hostile serait donc une grave menace pour l’Hexagone, et d’ailleurs toute la région.

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