Résolution américaine rejetée par l’ONU : l’Iran jubile, Washington humilié

Téhéran crie victoire, samedi 15 août, après le rejet à une écrasante majorité par le Conseil de sécurité de l’ONU d’une résolution américaine visant à prolonger l’embargo sur les armes en Iran, une décision qui aura des répercussions sur l’accord nucléaire iranien.

Washington ne se faisait pas d’illusion mais espérait paraître moins seul dans sa stratégie de lutte contre le nucléaire iranien. Cela n’a pas marché. Seuls deux des quinze membres du Conseil ont voté pour la résolution vendredi, mettant en évidence les divisions entre Washington et ses alliés européens depuis que le président Donald Trump s’est retiré unilatéralement de l’accord sur le nucléaire iranien en mai 2018.

Deux autres, la Russie et la Chine, ont voté contre et les onze membres restants du Conseil se sont abstenus, parmi lesquels la France, le Royaume-Uni et l’Allemagne, alliés européens des Etats-Unis. Si le texte avait obtenu neuf voix favorables, Pékin et Moscou – qui entendent pouvoir vendre des armes à Téhéran dans un avenir proche – auraient certainement mis leur veto en tant que membres permanents, mais cela n’a pas été nécessaire.

« Les Etats-Unis ont échoué »

Téhéran a raillé Washington pour son incapacité à obtenir plus qu’une seule voix de soutien, celle de la République dominicaine. Les alliés européens de Washington se sont tous abstenus. Pour le président iranien, Hassan Rohani, les Etats-Unis n’ont pas réussi à mettre fin à ce qu’il a appelé l’accord « à moitié vivant » de 2015 avec les grandes puissances qui a permis à l’Iran d’échapper aux sanctions en échange d’une réduction de son programme nucléaire.

« Les Etats-Unis ont échoué dans cette conspiration, humiliés », a déclaré M. Rohani lors d’une conférence de presse retransmise à la télévision.

« A mon avis, ce jour restera dans l’histoire de notre pays et dans l’histoire de la lutte contre l’arrogance mondiale. »

« Pendant les 75 ans d’histoire des Nations unies, l’Amérique n’a jamais été aussi isolée », a renchéri le porte-parole du ministère iranien des affaires étrangères, Abbas Moussavi. « Malgré tous les voyages, pressions et colportages, les Etats-Unis n’ont pu mobiliser qu’un petit pays (pour voter) avec eux », a-t-il ajouté en référence aux efforts du chef de la diplomatie américaine, Mike Pompeo, pour rallier des soutiens à la résolution américaine.

« L’incapacité du Conseil de sécurité à agir de manière décisive pour défendre la paix et la sécurité internationales est inexcusable », a réagi M. Pompeo dans un communiqué.

« Les Etats-Unis n’abandonneront jamais nos amis dans la région qui attendaient davantage du Conseil de sécurité. Nous continuerons à travailler pour faire en sorte que le régime théocratique terroriste ne soit pas libre d’acheter et de vendre des armes qui menacent le cœur de l’Europe, du Moyen-Orient et au-delà. »

Epreuve de force

Ce vote devrait poser les jalons d’une longue épreuve de force avec des répercussions sur l’accord international de 2015 conclu pour empêcher Téhéran de se doter de l’arme nucléaire. L’embargo sur les armes arrive en effet à expiration le 18 octobre, selon les termes de la résolution entérinant cet accord.

Or, bien que le président Donald Trump ait retiré en 2018 les Etats-Unis de l’accord sur le nucléaire iranien, qu’il jugeait insuffisant, la diplomatie américaine menace désormais d’invoquer son statut de pays « participant » à ce même texte, issu de la résolution de 2015, pour imposer unilatéralement le rétablissement des sanctions de l’ONU levées en échange des engagements nucléaires iraniens. Mike Pompeo n’a cependant pas directement réitéré cette menace dans son communiqué après le vote.

Une telle manœuvre, sur la base d’un argument juridique contesté par de nombreux membres du Conseil, y compris parmi les alliés européens de Washington, risquerait de pousser l’Iran à claquer définitivement la porte de l’accord nucléaire, dont il a déjà commencé à se désengager. Et donc à acter la mort du texte de 2015.

Les détracteurs de la démarche américaine soupçonnent l’administration Trump de vouloir justement parvenir à cette issue fatale avant la présidentielle de novembre aux Etats-Unis, et plusieurs pays pourtant a priori favorables à une prolongation de l’embargo, à l’instar des Européens, ont donc refusé de jouer le jeu américain.

Echange Macron-Trump pour une action urgente

La fin de l’embargo « pourrait avoir de graves conséquences pour la sécurité et la stabilité régionales », a ainsi reconnu Anne Gueguen, représentante permanente adjointe de la France auprès des Nations unies.

« Cependant, la France s’est abstenue sur le projet de résolution proposé car il ne constitue pas une réponse adaptée », a-t-elle ajouté, accusant à demi-mot les Américains de n’avoir pas recherché le consensus et de mettre en danger « l’autorité et l’intégrité du Conseil de sécurité ».

Selon la Maison-Blanche, le président américain, Donald Trump, et son homologue français, Emmanuel Macron, ont évoqué vendredi, lors d’un entretien téléphonique, « le besoin urgent d’une action de l’ONU pour prolonger l’embargo sur les armes en Iran ».

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